Commentaires composés à rendre au choix
Table des matières
2 Racine, XVIIe, Britannicus, 1669
3. Madame Bovary, Flaubert, 1857
5. Ionesco, La cantatrice chauve, 1950
Élégie XXIV, Contre les bûcherons de la forêt de Gastine, 1584
Ecoute bûcheron arrête un peu le bras !
Ce ne sont pas des bois que tu jettes à bas;
Ne vois-tu pas le sang lequel dégoutte à force
Des nymphes qui vivaient dessous la dure écorce ?
Sacrilège meurtrier, si on pend un voleur
Pour piller un butin de bien peu de valeur,
Combien de feux, de fers, de morts et de détresses
Mérites-tu, méchant, pour tuer nos déesses ?
Forêt, haute maison des oiseaux bocagers !
Plus le cerf solitaire et les chevreuils légers
Ne paîtront sous ton ombre, et ta verte crinière
Plus du soleil d'été ne rompra la lumière.
Plus l'amoureux pasteur sur un tronc adossé,
Enflant son flageolet à quatre trous percé,
Son mâtin à ses pieds, à son flanc la houlette,
Ne dira plus l'ardeur de sa belle Janette.
Tout deviendra muet, Écho sera sans voix ;
Tu deviendras campagne, et, en lieu de tes bois,
Dont l'ombrage incertain lentement se remue,
Tu sentiras le soc, le coutre et la charrue ;
Tu perdras le silence, et haletants d'effroi
Ni Satyres ni Pans ne viendront plus chez toi.
Adieu, vieille forêt, le jouet de Zéphire,
Où premier j'accordai les langues de ma lyre (…)
I. une dénonciation apitoyée s’appuyant sur une personnification lyrique de la nature
II. la description d’un lieu idéal
Le tyran Romain Néron tombe amoureux de Junie une ennemie politique qu’il tient captive.
NERON
Narcisse, c'en est fait, Néron est amoureux.
NARCISSE
Vous !
NERON
Depuis un moment ; mais pour toute ma vie,
J'aime, que dis-je aimer, j'idolâtre Junie.
NARCISSE
Vous l'aimez !
NERON
Excité d'un désir curieux,
Cette nuit je l'ai vue arriver en ces lieux,
Triste, levant au ciel ses yeux mouillés de larmes,
Qui brillaient au travers des flambeaux et des armes,
Belle, sans ornement, dans le simple appareil
D'une beauté qu'on vient d'arracher au sommeil.
Que veux-tu ? Je ne sais si cette négligence,
Les ombres, les flambeaux, les cris et le silence,
Et le farouche aspect de ses fiers ravisseurs,
Relevaient de ses yeux les timides douceurs,
Quoi qu'il en soit, ravi d'une si belle vue,
J'ai voulu lui parler, et ma voix s'est perdue :
Immobile, saisi d'un long étonnement,
Je l'ai laissé passer dans son appartement.
J'ai passé dans le mien. C'est là que, solitaire,
De son image en vain j'ai voulu me distraire.
Trop présente à mes yeux je croyais lui parler ;
J'aimais jusqu'à ses pleurs que je faisais couler.
Quelquefois, mais trop tard, je lui demandais grâce :
J'employais les soupirs, et même la menace.
Voilà comme, occupé de mon nouvel amour,
Mes yeux, sans se fermer, ont attendu le jour.
Mais je m'en fais peut-être une trop belle image :
Elle m'est apparue avec trop davantage :
Narcisse, qu'en dis-tu ?
I. La peinture de l’émoi amoureux
II. La mise en scène d’une beauté captive
Emma, mariée à Charles Bovary, commence à sentir la déception de ses illusions de jeune fille sur le mariage.
Elle songeait quelquefois que c’étaient là pourtant les plus beaux jours de sa vie, la lune de miel, comme on disait. Pour en goûter la douceur, il eût fallu, sans doute, s’en aller vers ces pays à noms sonores où les lendemains de mariage ont de plus suaves paresses ! Dans des chaises de poste, sous des stores de soie bleue, on monte au pas des routes escarpées, écoutant la chanson du postillon, qui se répète dans la montagne avec les clochettes des chèvres et le bruit sourd de la cascade. Quand le soleil se couche, on respire au bord des golfes le parfum des citronniers ; puis, le soir, sur la terrasse des villas, seuls et les doigts confondus, on regarde les étoiles en faisant des projets. Il lui semblait que certains lieux sur la terre devaient produire du bonheur, comme une plante particulière au sol et qui pousse mal tout autre part. Que ne pouvait-elle s’accouder sur le balcon des chalets suisses ou enfermer sa tristesse dans un cottage écossais, avec un mari vêtu d’un habit de velours noir à longues basques, et qui porte des bottes molles, un chapeau pointu et des manchettes !
Peut-être aurait-elle souhaité faire à quelqu’un la confidence de toutes ces choses. Mais comment dire un insaisissable malaise, qui change d’aspect comme les nuées, qui tourbillonne comme le vent ? Les mots lui manquaient donc, l’occasion, la hardiesse.
Si Charles l’avait voulu cependant, s’il s’en fût douté, si son regard, une seule fois, fût venu à la rencontre de sa pensée, il lui semblait qu’une abondance subite se serait détachée de son cœur, comme tombe la récolte d’un espalier quand on y porte la main. Mais, à mesure que se serrait davantage l’intimité de leur vie ; un détachement intérieur se faisait qui la déliait de lui.
La conversation de Charles était plate comme un trottoir de rue, et les idées de tout le monde y défilaient dans leur costume ordinaire, sans exciter d’émotion, de rire ou de rêverie. Il n’avait jamais été curieux, disait-il, pendant qu’il habitait Rouen, d’aller voir au théâtre les acteurs de Paris. Il ne savait ni nager, ni faire des armes, ni tirer le pistolet, et il ne put, un jour, lui expliquer un terme d’équitation qu’elle avait rencontré dans un roman.
Un homme, au contraire, ne devait-il pas, tout connaître, exceller en des activités multiples, vous initier aux énergies de la passion, aux raffinements de la vie, à tous les mystères ? Mais il n’enseignait rien, celui-là, ne savait rien, ne souhaitait rien. Il la croyait heureuse ; et elle lui en voulait de ce calme si bien assis, de cette pesanteur sereine, du bonheur même qu’elle lui donnait.
Chapitre 7
I l’aspect lyrique des désirs et imaginations d’Emma
III. une description comique de la réalité du mari
Angélique, jeune enfant dans la misère, a été recueillie par une famille de brodeurs vivant à côté d’une superbe cathédrale.
En dix jours, ce fut fait. Angélique couchait en haut, près du grenier, dans la chambre du
comble, sur le jardin : et elle avait déjà reçu ses premières leçons de brodeuse. Le dimanche
matin, avant de la conduire à la messe, Hubertine ouvrit devant elle le vieux bahut de
l’atelier, où elle serrait l’or fin. Elle tenait le livret, elle le mit au fond d’un tiroir, en disant :
— Regarde où je le place, pour que tu puisses le prendre, si tu en as l’envie, et que tu te
souviennes.
Ce matin-là, en entrant à l’église, Angélique se trouva de nouveau sous la porte Sainte-Agnès. Un faux dégel s’était produit dans la semaine, puis le froid avait recommencé, si rude, que la neige des sculptures, à demi fondue, venait de se figer en une floraison de grappes et d’aiguilles. C’était maintenant toute une glace, des robes transparentes, aux dentelles de
verre, qui habillaient les vierges. Dorothée tenait un flambeau dont la coulure limpide lui
tombait des mains. Cécile portait une couronne d’argent d’où ruisselaient des perles vives ; Agathe, sur sa gorge mordue par les tenailles, était cuirassée d’une armure de cristal.
Et les scènes du tympan, les petites vierges des voussures semblaient être ainsi, depuis des
siècles, derrière les vitres et les gemmes d’une châsse géante. Agnès, elle, laissait traîner un
manteau de cour, filé de lumière, brodé d’étoiles. Son agneau avait une toison de diamants, sa palme était devenue couleur de ciel. Toute la porte resplendissait, dans la pureté du
grand froid. Angélique se souvint de la nuit qu’elle avait passée là, sous la protection des vierges. Elle
leva la tête et leur sourit.
Plan
Une description novatrice
A l’image du nouveau destin d’Angélique
Monsieur et Madame Smith, personnages d’Anglais stéréotypés, conversent : les propos banals et convenus qu’ils échangent finissent toujours par se détraquer.
M. SMITH, toujours dans son
journal – Tiens, c’est écrit que Bobby Watson est mort.
Mme SMITH. – Mon Dieu, le pauvre,
quand est-ce qu’il est mort ?
M. SMITH. – Pourquoi prends-tu cet air étonné ? Tu le savais bien. Il est mort il y a deux ans. Tu te rappelles, on a été à son
enterrement, il y a un an et demi.
Mme SMITH. – Bien sûr que je me rappelle. Je me suis rappelé tout de suite, mais je ne comprends pas pourquoi toi-même tu as été si étonné
de voir ça sur le journal.
M. SMITH. – Ça n’y était pas sur le journal. Il y a déjà trois ans qu’on a parlé de son décès. Je m’en suis souvenu par associations
d’idées !
Mme SMITH. – Dommage ! Il était si bien conservé.
M. SMITH. – C’était le plus joli
cadavre de Grande-Bretagne ! Il ne paraissait pas son âge. Pauvre Bobby, il y avait quatre ans qu’il était mort et il était encore chaud. Un véritable cadavre vivant. Et comme il était
gai !
Mme SMITH. – La pauvre
Bobby.
M. SMITH. – Tu veux
dire « le » pauvre Bobby.
Mme SMITH. – Non, c’est à sa femme que je pense. Elle s’appelait comme lui, Bobby, Bobby Watson. Comme ils avaient le même nom, on ne
pouvait pas les distinguer l’un de l’autre quand on les voyait ensemble. Ce n’est qu’après sa mort à lui, qu’on a pu vraiment savoir qui était l’un et qui était l’autre. Pourtant, aujourd’hui
encore, il y a des gens qui la confondent avec le mort et lui présentent des condoléances. Tu la connais ?
M. SMITH. – Je ne l’ai vue qu’une
fois, par hasard, à l’enterrement de Bobby.
Mme SMITH. – Je ne l’ai jamais vue. Est-ce qu’elle est belle ?
M. SMITH. – Elle a des traits
réguliers et pourtant on ne peut pas dire qu’elle est belle. Elle est trop grande et trop forte. Ses traits ne sont pas réguliers et pourtant on peut dire qu’elle est très belle. Elle est un peu
trop petite et trop maigre. Elle est professeur de chant.
La pendule sonne cinq fois. Un long temps.
Mme SMITH. – Et quand pensent-ils se
marier, tous les deux ?
M. SMITH. – Le printemps prochain, au plus tard.
Mme SMITH. – Il faudra sans doute
aller à leur mariage.
M. SMITH. – Il faudra leur faire un cadeau de noces. Je me demande lequel ?
Mme SMITH. – Pourquoi ne leur
offririons-nous pas un des sept plateaux d’argent dont on nous a fait don à notre mariage à nous et qui ne nous ont jamais servi à rien ?
Court silence. La pendule sonne deux fois.
(extrait de la scène 1)
I. Une mise en question des procédés traditionnels d’une scène d’exposition
II. Un dialogue absurde et comique
Pour le commentaire:
question à poser sur le texte:
· de quel siècle? quelle date? mes connaissances historiques autour de cette date, ex: les choses, 1962, 3 ans avant mai 68.
· est-ce que je connais l'auteur? ex: Zola ou Balzac
· quel est le thème principal du texte?
· que veut démontrer l'auteur?
· le fait-il directement ou par l'intermédiaire d'un personnage? ( ex: critique de la société à travers les déceptions d'Emma, ou critique directe par le narrateur dans Eugénie Grandet)
· y a t il des mouvements, une évolution du passage?
· genre du texte
· type de texte ?le texte est-il narratif, descriptif, argumentatif?
· registre dominant?
· Y a t il des valeurs qui sous tendent le texte? des présupposés?
· Le texte s'appuie-t-il sur une philosophie ou un manifeste?
Singularité du texte:
- les champs lexicaux
- situation d'énonciation : qui parle à qui? ( Roxane a Usbek..)
- particularités de la syntaxe: "le maitre disait a jacques qui disait a ..", imbrications, énumérations.
Attention:
- ne pas plaquer à mauvais escient des considérations sur les mouvements littéraires ou l'époque, vérifier la date de première parution du texte.
- lire attentivement le texte: se demander ce qu'il veut dire réellement sans avoir de préjugé sur son époque ou son mouvement littéraire: ex: un texte issu du "courant" réaliste peut être plus intéressant pour son caractère métaphorique, fantastique, imaginatif, etc.
- toute figure de style doit être commentée, l'oxymore, l'antithèse, la métaphore, etc n'ont pas de valeur en elles mêmes si elles ne sont pas articulées au but du texte.
ex:-les accumulations dans le texte de Perec illustrent la boulimie de l'acquisition chez les personnages.
-la métaphore du monstre pour parler de l'usine montre le danger qu'elle peut représenter pour les hommes dans Germinal
Par Claude Duchet
Extraits d'Eugénie Grandet | Un début typiquement balzacien | La province et ses paradoxes | Conclusion |
L'Edition Furne
Notices des romans
Portraits de Balzac
Dossiers |
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1- Commentaire de texte (20 points) Alexandre Dumas, Le Comte de Monte-Cristo, 1846.
Pour s’évader du château d’If où il est emprisonné, Edmond Dantès a pris la place de son compagnon de cellule qui vient de mourir, le vieil abbé Faria, en se dissimulant dans le sac prévu pour le cadavre.
On transporta le prétendu mort du lit sur la civière. Edmond se raidissait pour mieux jouer son rôle de trépassé1. On le posa sur la civière ; et le cortège, éclairé par l'homme au falot2, qui marchait devant, monta l'escalier. Tout à coup, l'air frais et âpre de la nuit l'inonda. Dantès reconnut le mistral3. Ce fut une sensation subite, pleine à la fois de délices et d'angoisses. Les porteurs firent une vingtaine de pas, puis ils s'arrêtèrent et déposèrent la civière sur le sol. Un des porteurs s'éloigna, et Dantès entendit ses souliers retentir sur les dalles. « Où suis-je donc ? » se demanda-t-il. « Sais-tu qu'il n'est pas léger du tout ! » dit celui qui était resté près de Dantès en s'asseyant sur le bord de la civière. Le premier sentiment de Dantès avait été de s'échapper, heureusement il se retint. « Éclaire-moi donc, animal, dit celui des deux porteurs qui s'était éloigné, ou je ne trouverai jamais ce que je cherche. » L'homme au falot obéit à l'injonction, quoique, comme on l'a vu, elle fût faite en termes peu convenables. « Que cherche-t-il donc ? se demanda Dantès. Une bêche sans doute. » Une exclamation de satisfaction indiqua que le fossoyeur avait trouvé ce qu'il cherchait. « Enfin, dit l'autre, ce n'est pas sans peine. — Oui, répondit-il, mais il n'aura rien perdu pour attendre. » À ces mots, il se rapprocha d'Edmond, qui entendit déposer près de lui un corps lourd et retentissant ; au même moment, une corde entoura ses pieds d'une vive et douloureuse pression. « Eh bien ! le nœud est-il fait ? » demanda celui des fossoyeurs4 qui était resté inactif. « Et bien fait, dit l'autre ; je t'en réponds. — En ce cas, en route. »
Et la civière soulevée reprit son chemin. On fit cinquante pas à peu près, puis on s'arrêta pour ouvrir une porte, puis on se remit en route. Le bruit des flots se brisant contre les rochers sur lesquels est bâti le château arrivait plus distinctement à l'oreille de Dantès à mesure que l'on avança. « Mauvais temps ! dit un des porteurs, il ne fera pas bon d'être en mer cette nuit. — Oui, l'abbé court grand risque d'être mouillé », dit l'autre — et ils éclatèrent de rire. Dantès ne comprit pas très bien la plaisanterie, mais ses cheveux ne s'en dressèrent pas moins sur sa tête. « Bon, nous voilà arrivés ! reprit le premier. — Plus loin, plus loin, dit l'autre, tu sais bien que le dernier est resté en route, brisé sur les rochers, et que le gouverneur nous a dit le lendemain que nous étions des fainéants. » On fit encore quatre ou cinq pas en montant toujours, puis Dantès sentit qu'on le prenait par la tête et par les pieds et qu'on le balançait. « Une, dirent les fossoyeurs. — Deux. — Trois ! » En même temps, Dantès se sentit lancé, en effet, dans un vide énorme, traversant les airs comme un oiseau blessé, tombant, tombant toujours avec une épouvante qui lui glaçait le cœur. Quoique tiré en bas par quelque chose de pesant qui précipitait son vol rapide, il lui sembla que cette chute durait un siècle. Enfin, avec un bruit épouvantable, il entra comme une flèche dans une eau glacée qui lui fit pousser un cri, étouffé à l’instant même par l’immersion. Dantès avait été lancé dans la mer, au fond de laquelle l’entraînait un boulet de trente-six attaché à ses pieds. La mer est le cimetière du château d’If.
1 Trépassé : mort.
2 Falot : lanterne portative.
3 Mistral : vent violent de Méditerranée.
4 Fossoyeurs : hommes chargés d’enterrer les morts.
Vous ferez le commentaire littéraire de ce texte en vous aidant des pistes suivantes :
1- Une scène d’action intense et palpitante.
2- Un personnage qui suscite émotion et admiration.
On attend • Un développement organisé offrant des analyses précises, étayées par des références, et construisant une réelle interprétation du texte. • Au moins deux éléments d’interprétation développés dans chaque partie.
On valorise • Les copies qui ont proposé des analyses pertinentes et fines. • Les copies qui ont perçu les dimensions théâtrales ou cinématographiques de cette scène romanesque.
On pénalise • Les copies qui se contentent de paraphraser le texte. • Un contresens manifeste et majeur dans la compréhension du texte. • Un développement inorganisé. • Une succession de relevés sans interprétation. • Une syntaxe déficiente.
Pistes de correction Alexandre Dumas, Le Comte de Monte-Cristo, 1846.
. 1- Une scène d’action intense et palpitante :
Une scène palpitante.
Le lecteur assiste à une scène d’évasion racontée dans le détail, étape par étape, grâce à une succession de verbes d’action (« on transporta », « on le posa », « les porteurs firent une vingtaine de pas », « un des porteurs s’éloigna », « on fit cinquante pas à peu près », etc.) et selon une progression rigoureuse (corps enlevé, corps transporté à l’extérieur, corps encordé, corps précipité, corps immergé). L’emploi abondant du passé simple et du discours direct contribue au rythme haletant et à la dramatisation de la scène. Quant au choix du point de vue interne, il prive le lecteur d’informations et crée par conséquent un effet d’attente et de suspense perceptible dans les interrogations angoissées : « Où suis-je donc ? » et « Que cherche-t-il donc ? ». L’évocation de sensations partielles, tactiles et auditives seulement, rend concrètes les surprises successives du personnage : « Tout à coup l’air frais et âpre de la nuit l’inonda », « Ce fut une sensation subite », « Dantès entendit ses souliers retentir », « un corps lourd et retentissant », « une vive et douloureuse pression », « Dantès se sentit lancé ».
Une scène qui mêle angoisse et humour noir.
Le romancier plonge son héros et son lecteur dans un environnement inquiétant : le lexique funèbre ponctue la page (« mort », récurrence de « civière », « trépassé », polyptote « fossoyeur-fossoyeurs », « cimetière »), et on remarque que l’extrait s’ouvre sur « le prétendu mort » mais se clôt sur « le cimetière du château d’If », transformant ainsi le trépas feint en fatale réalité. Emprisonné dans son sac mortuaire, Dantès entend des voix d’autant plus menaçantes qu’elles sont sans visage (« le nœud est-il fait ? », « Mauvais temps ! »), et il perçoit sans les identifier des sons lugubres (« le bruit des flots se brisant contre les rochers », « un bruit épouvantable »). Son inquiétude ne cesse dès lors de croître pour culminer en une épouvante saisissante ; la gradation qui le fait passer d’une « sensation subite, pleine à la fois de délices et d’angoisses » à « ses cheveux ne s’en dressèrent pas moins sur sa tête » puis à « une épouvante qui lui glaçait le cœur », rend parfaitement compte des différents paliers de terreur qu’il franchit. La peur de Dantès est d’autant plus poignante qu’elle est mise en contraste avec l’humour noir des fossoyeurs : leurs « plaisanterie[s] » (« il n’aura rien perdu pour attendre », « il ne fera pas bon d’être en mer cette nuit », « l’abbé court grand risque d’être mouillé »), tout comme l’éclat de rire des lignes 34-35, témoignent en effet de leur indifférence désinvolte, habitués qu’ils sont à côtoyer des cadavres dont ils ont avant tout hâte de se débarrasser.
2. Un personnage qui suscite émotion et admiration :
Un personnage qui suscite l’émotion. Le plan d’évasion imaginé et mis en œuvre par Dantès le condamne, chose inhabituelle pour le héros d’un roman d’aventures, à demeurer absolument passif. Il est ainsi réduit à l’immobilité : on le confond avec sa civière à la ligne 7, les fossoyeurs s’emparent de lui comme d’un vulgaire sac aux lignes 42-43, et la personnification métonymique « la civière soulevée reprit son chemin » le réifie absolument. Tant de vulnérabilité ne peut que susciter l’empathie du lecteur, qui grâce au point de vue interne, s’identifie au malheureux et partage ses affres : ses doutes (« se demanda-t-il », « se demanda Dantès »), ses souffrances (« une vive et douloureuse pression », « comme un oiseau blessé », « lui fit pousser un cri »), sa peur (polyptote « épouvante », « épouvantable »). Même le narrateur prend fait et cause pour Dantès : il se réjouit de sa retenue (« heureusement » ligne 12), et prend le lecteur à témoin de la vulgarité des fossoyeurs (lignes 15-16).
Un personnage qui suscite l’admiration.
Dantès parvient en effet à maîtriser ses moindres mouvements (« se raidissait », « il se retint ») et à ne pas révéler à ses geôliers sa présence vivante. Il ne concède « un cri » qu’à la toute fin de son plongeon. Ce sang-froid stoïque suscite d’autant plus l’admiration du lecteur que sa chute est vertigineuse et terrifiante : les hyperboles « vide énorme » et « cette chute durait un siècle » accroissent encore la distance parcourue, l’anadiplose « tombant, tombant toujours » rend le mouvement vertical interminable, la récurrence des sifflantes aux lignes 47 à 52 semble vouloir faire entendre le souffle du « vol rapide ». L’auteur s’efforce assurément de nimber Dantès d’une aura épique et mythologique : la courte phrase finale, dramatique et solennelle, sonne comme un glas célébrant le héros qui n’hésite pas à risquer la mort pour gagner sa liberté ; enfin, la comparaison à « un oiseau blessé » fait de Dantès un nouvel Icare, dont l’audace mérite de passer à la postérité.