gp I lock my door upon myself Fernand Khnopff

Spleen : Pluviôse, irrité contre la ville entière

Pluviôse, irrité contre la ville entière,
De son urne à grands flots verse un froid ténébreux
Aux pâles habitants du voisin cimetière
Et la mortalité sur les faubourgs brumeux.

Mon chat sur le carreau cherchant une litière
Agite sans repos son corps maigre et galeux ;
L'âme d'un vieux poète erre dans la gouttière
Avec la triste voix d'un fantôme frileux.

Le bourdon se lamente, et la bûche enfumée
Accompagne en fausset la pendule enrhumée,
Cependant qu'en un jeu plein de sales parfums,

Héritage fatal d'une vieille hydropique,
Le beau valet de coeur et la dame de pique
Causent sinistrement de leurs amours défunts.

I. Physique et psychologie du spleen

a.L’humidité omniprésente

Pluviôse : ce mois de février selon le calendrier révolutionnaire se résume à sa seule action néfaste : la pluie.

Qui va du ciel jusqu’à l’intérieur du corps d cela vieille, car « hydropique ». 

b. Le froid présage de la mort

Défunt, urne : sont les mots qui désignent la mort

Les habitants sont en fait les morts

c. Une restriction progressive de l’espace

Du ciel aux faubourg puis à la maison : de ma gouttière à l’intérieur de la méaison, étouffant, puis à la fin gros plan sur les cartes.

d. Un temps incertain

S’agit-il du présent de son quotidien ? Un présent d’habitude ou d’énonciation ? Mais en même temps est présente l’époque mythologique «  urne «  et révolutionnaire : «  pluviôse » : et le temps indéfini des morts, au repos dan le cimetière ou errant. L’ennui devient éternel. 

 

II. Le personnel du spleen 

a. Dépersonnalisation du poète 

Le poète ne dit plus je » il est désigné à al troisième personne, l’article indéfini « un poètes » le met aussi à distance et rend sa présence dérisoire. 

b. personnification des objets

Le bûche enrhumée, le bourdon accompagne en fausset, les cartes «  causent »

c. Des éléments qui se rejoignent autour de connotations péjoratives :

«  sinistrement » «  sale » «  en fausset » ( son strident), «  se lamente », « triste » , « frileux »

 

III. Une poétique cohérente

a. Les synesthésies ou rapports entre les sensations

Le parfum des cartes est sale, de même qu’est dissonante la musique de ce salon à l’abandon.

Le toucher est négatif, à cause du froid, de même que l’odorat «  sale parfum », de même que l’auditif : « accompagne en fausset »

b. Le poème permet la restitution d’une unité et d’un dialogue

Le chat est un double malheureux du poète, le cartes aussi appellent les amours conflictuelles ou passées du poète, les éléments du salons expriment la dissonance de son âme, le premier quatrain exprimes malaise dans la ville froide et pluvieuse : tout est en harmonie ! L’adverbe «  cependant » montre que tout est concomitant. Le poète devient un chat de gouttière et le chat a froid comme le poète. Le mot «  accompagne «  montre cette harmonie.

c. La mort et la vie intimement mêlées : 

L’amour n’est pas tout à fait défunt si on peut en parler après la mort

Cette maison semble hantée, démêle que le poète devient un fantôme errant. Cependant on attribue des qualités de vivant au fantôme, qui devient frileux. 

Les morts deviennent des habitants du cimetière, cette périphrase best ambiguë, de même le poète est fantomatique.

Pour l’entretien : le spleen pour Baudelaire.

 

Le spleen pour Baudelaire est l’inverse d’Idéal. Ce mot tiré de l’anglais, qu’il a pris chez Edgar Poe qu’il traduisait, signifie «  mélancolie ». mais la mélancolie chez Baudelaire n’est pas seulement de la tristesse : elle se caractérise par un ennui profond, des sensations négatives de froid et d’enfermement, un manque d’inspiration. Il l’exprime par des moyens originaux, car le personnage en proie au spleen  est transformé en plusieurs éléments sans vie, tandis que l’univers qui l’entoure est parfois animé de façon sinistre. Il se désigne avec une distance à l’égard de soi, et insiste sur des métaphores, allégories ou prosopopées exagérées pour frapper et intimider le lecteur.

 

Chaud/ froid

Fantôme frileux  (S) vs feu clair ( E), brulante Afrique ; D'un ciel pur où frémit l'éternelle chaleur ( e) s des neigeuses années

 

Traitement du temps :

les boiteuses journées,

la Seconde

Chuchote : Souviens-toi !

L'ennui, fruit de la morne incuriosité,

 

Prend les proportions de l'immortalité.

Transformation du personnage :

L’homme en proie au spleen est transformé en objet : cimetière, meuble à tiroirs, granit, sphinx, jeune squelette.

 

Mouvements :

Tu te meus avec agilité

Tu sillonnes gaiment l’immensité profonde(e)

Infinis bercements  (e)

Vs

L'âme d'un vieux poète erre dans la gouttière (s)

Son lit fleurdelisé se transforme en tombeau

 

Le liquide dans le spleen :

Et dans ces bains de sang qui des Romains nous viennent,

Et dont sur leurs vieux jours les puissants se souviennent,

Il n'a su réchauffer ce cadavre hébété

Où coule au lieu de sang l'eau verte du Léthé.

 

Liquide partout dans Pluviôse : dans la ville entière, v. 1, faubourgs brumeux. dans la gouttière une vieille hydropique

Amoindrissement du moi : le corps du roi n’a plus de sang, il devient un squelette, son lit est un tombeau, ou un fantôme dans (s), un chat, dans l’autre spleen : cerveau = gros meuble à tiroirs encombré ; cerveau = caveau, cimetière

 

Personnification des objets :

Où les pastels plaintifs et les pâles Boucher,

Seuls, respirent l'odeur d'un flacon débouché.

 

Sphinx : Ne chante qu'aux rayons du soleil qui se couche.

 

Le beau valet de coeur et la dame de pique

Causent sinistrement de leurs amours défunts.

 

 

 souvenir et oubli

l'oubli est une mort avant la mort cf " sphinx" oublié dans son sahara vs souvenir par les cartes de l'amour défunt, évocation d'un monde exotique par "la chevelure"

 

 

 

 

L’idéal : C’est l’inverse du spleen, il correspond à la fois à un univers qui éloigne le poète du quotidien «  envole-toi bien loin de ces miasmes morbides », à un état de bien être lié à la chaleur : «  la brûlante Afrique », «  où frémit l’éternelle chaleur », au bercement «  infinis bercement du loisir embaumé », à l’inspiration, car le poète peut comprendre «  le langage des fleurs et des choses muettes ».Il voyage, on trouve une évasion, qui peuvent-être déclenchées par ses sensations, notamment dans «  la chevelure », où le poète comme dans «  le flacon » ou «  parfum exotique », entame un voyage vers un univers élargi, purifié, exotique. En effet,  l’univers de l’idéal est clair, ainsi dans « Elévation » on trouve un «  feu clair qui remplit les espaces limpides », il est pur, comme les montrent les verbes «  purifier », « ethers » : ces « montagnes », » vallées », « sphères étoilées » s’opposent « aux faubourgs brumeux » du spleen. D’autre part, le poète s’y déplace avec aisance : «  Tu sillonnes gaiment l’immensité profonde »,  «  Mon esprit tu te meus avec agilité » (verbe mouvoir) : ceci rappelle le grand vol du noble oiseau : « l’albatros ». La femme règne aussi sur le poète qui baigne dans l’idéal, il la couvre de cadeaux, comme dans «  invitation aux voyage « : «  c’est pour assouvir ton moindre désir qu’ils viennent du bout du monde » et dans la «  chevelure » : «  ma main dans ta crinière lourde/ sèmera le rubis, la perle et le saphir ». Il a un rapport amical avec elle, «  mon enfant, ma sœur » , comme dans « le balcon ».. Il fait un hommage à sa beauté : le microcosme, «  cheveux bleus »  renvoie au macrocosme : «  pavillon de ténèbres tendues », la femme permet donc l’élargissement de l’espace. L’exotisme et la beauté sont des composantes de l’idéal : c’est aussi, un monde où s’allie le naturel et le culturel, où le calme permet la création. «  luxe, calme et volupté » Il est assez loin de l’univers plus moderne décrit dans les «  tableaux parisiens ».

 

Comparaison de la Chevelure, et de l'Invitation voyage avec la version en prose extraite de " Le spleen de paris" : 

pistes 

Dans la version prose de l’invitation au voyage : Baudelaire explicite le lien entre la femme et les paysages inspirants. La correspondance est mystique entre les deux, rappelant l’unité antérieure d’un monde désormais livré au chaos. Mais le travail du poète est de restituer cette analogie. La femme est la muse qui lui permet d’entamer un voyage intérieur d’où il revient vers elle, enrichi de son propre opium : « tu conduis (mes pensers) vers la mer qui est l’infini ( …)et quand, fatigués par la houle et gorgés des produits de l’orient, ils rentrent au port natal, ce sont encore mes pensées enrichies qui reviennent de l’infini vers toi.". On trouve des effets de rime interne " c'est toi". L'espace est précisé, il s'agit d'un pays du Nord mais qui ressemblerait à la Chine ! Cet espace est contradictoire, ou encore synthétique, mais il n'existe pas, d'où l'expression pays de Cocagne. Les éléments de l'intérieur sont précisés, on trouve un champ lexical du décor et de l'ameublement plus approfondi, et comme dans les poèmes des fleurs du Mal, les objets sont doués d'une vie et d'une puissance évocatrice. Le thème du bercement est aussi développé, le poète affirme même qu'il est dans un bateau avec la femme. Les tabelau qui peuplent la chamre idéale sont explicitement désignés comme tels.

 

version en prose et version en poésie dans la chevelure: 

Ce qui change : 

- Baudelaire est plus explicite dans ses version en prose, plus facile à lire, il répète des formules, il fait le lien lien plus clairement entre les éléments, contrairement aux métaphores audacieuses de la versions poétique." Tes cheveux contiennent tout un rêve pleine voilures et de mature"s, ce qui est plus explicite que le vers : «   dans ce noir océan ou l’autre est enfermé. Ce qui n’est qu’apostrophe dans la poésie : « pavillon de ténèbres tendues » devient plus dilué et expliqué dans la version en prose : «  dans la nuit de ta chevelure, je vois resplendir l’infini de l’azur tropical

 

Mais on trouve dans la version en prose une autocensure, un retour sur soi : «  des rêves toujours des rêves, plus l’âme est ambitieux est délicate, plus les rêves l’éloignent du sensible » Il a peur que cette capacité d'évasion, cet "opium naturel" s'épuise.

 

 

 

 

 

Baudelaire : Le poète romantique
Qu’est-ce qui apparente Baudelaire à l’école romantique?

Né en plein épanouissement du Romantisme, Baudelaire a profondément ressenti de l’influence de
cette école, tout en s’en détachant par l’interprétation personnelle qu’il donne des grands thèmes traités par les écrivains romantiques:
1. la mélancolie
2. l’étalage du moi
3. le rôle du poète
4. le mysticisme

• la mélancolie: héritier des romantiques, Baudelaire manifeste lui aussi une mélancolie profonde qui fait penser à un retour du mal du siècle (spleen).

• l’étalage du moi: les écrivains romantiques ont poursuivi l’étalage du Moi en faisant de la littérature personnelle et en donnant, souvent, des œuvres autobiographiques. Dans ce sens, Baudelaire est profondément romantique parce qu’il est à la fois, le sujet et l’objet de son œuvre. Mettant «son coeur à nu», il évoque, tour à tour, ses espoirs et ses déboires familiaux, ses amours et ses désillusions, ses angoisses et ses aspirations et les déceptions d’une vieillesse précoce n’aboutissant qu’à la mort. Pourtant, Baudelaire, au lieu de faire de l’étalage du Moi, fait, d’après sa définition, «de la concentration et de la vaporisation du Moi» dans le sens qu’il s’est raconté, au jour le jour, sans fausse pudeur, dans la réalité de sa faiblesse physique et morale, et, sous l’effet de la drogue ou de l’alcool, il a pénétré dans le domaine de l’extase poétique.

le rôle du poète: Baudelaire se rattache à l’école romantique, notamment à Hugo par la condition de «paria» à laquelle la société condamne le poète. Pourtant, loin de tout souci philosophique ou moral qui attribuait à cet être d’élection, souvent méconnu et incompris, le rôle de guide ou de prophète de l’humanité, Baudelaire ne voit dans la figure du poète qu’un être vulnérable, extrêmement sensible, qui entend les langages de la nature et les voix imperceptibles aux autres hommes.

De temps en temps, apparaissant sur la terre comme un phare qui éclaire la route des mortels, le poète laisse entrevoir les beautés suprêmes. Le poète s’élève au-dessus des hommes, mais, souvent méprisé et persécuté, il est cloué au sol, où il connaît tous les opprobres de la vie (génie dépaysé dans une société médiocre qui le méconnaît et qui le raille).

le mysticisme: de part son inspiration, le Romantisme se veut national et chrétien. Or, Baudelaire, élevé dans la religion catholique, garde (conserve) toujours une certaine sensibilité chrétienne, qui le fait vibrer d’un intense désir de pureté. L’idée du péché originel l’obsède.
Mais, vis-à-vis d’un Chateaubriand établissant les préceptes de son dogmatisme religieux, d’un Lamartine cherchant dans la nature le moyen pour atteindre Dieu, d’un Hugo retraçant l’image d’un Dieu juge, Baudelaire étale un mysticisme vers lequel confluent plusieurs éléments qui sont:

- la nostalgie d’un bonheur perdu et l’aspiration à retrouver Dieu; - la lutte entre le Bien et le Mal;
- l’attrait de Satan et le goût de la révolte;
- des visions macabres et les horreurs de la mort;

- la hantise du péché et du remords; - la douleur purificatrice;
-la force de la prière.

Le poète parnassien

Pourquoi Baudelaire se réclame-t-il aussi de l’École parnassienne?

Baudelaire se réclame aussi de l’École parnassienne par son opposition aux excès de lyrisme et à la versification trop facile de l’école romantique. Comme l’avait fait Théophile Gautier, auquel il dédie ses Fleurs du Mal, Baudelaire affirme la nécessité d’un art étudié, car l’écrivain n’est pas seulement l’interprète inspiré de la nature, mais un artiste et même un artisan. Baudelaire a toujours rendu un culte à la beauté et l’Art lui est apparu comme «le meilleur témoignage» de la dignité humaine, l’instrument le plus précieux de l’ascension vers l’Idéal.

Si Baudelaire partage avec les parnassiens le culte de la Beauté, il en dépasse les limites du jeu esthétique par la grande place qu’il accorde à l’inspiration.
C’est par son inspiration qu’il réalise une Beauté personnelle et moderne, allant du mysticisme le plus profond au satanisme le plus poussé, et traduisant en images les spectacles que lui offre la vie, ses attitudes intellectuelles ou les angoisses de sa pensée.

Baudelaire doit à Edgar Poe, cherchant dans les paradis artificiels l’inspiration et l’oubli de la vie quotidienne, la technique de la sensation, la vision polyédrique et colorée de l’art.
Les œuvres de Poe lui ont révélé un frère spirituel, un poète exceptionnel, un profond connaisseur du mystère, des sensations précises et inexplicables à la fois.

Baudelaire : Le poète romantique
Qu’est-ce qui apparente Baudelaire à l’école romantique?

Né en plein épanouissement du Romantisme, Baudelaire a profondément ressenti de l’influence de
cette école, tout en s’en détachant par l’interprétation personnelle qu’il donne des grands thèmes traités par les écrivains romantiques:
1. la mélancolie
2. l’étalage du moi
3. le rôle du poète
4. le mysticisme

• la mélancolie: héritier des romantiques, Baudelaire manifeste lui aussi une mélancolie profonde qui fait penser à un retour du mal du siècle (spleen).

• l’étalage du moi: les écrivains romantiques ont poursuivi l’étalage du Moi en faisant de la littérature personnelle et en donnant, souvent, des œuvres autobiographiques. Dans ce sens, Baudelaire est profondément romantique parce qu’il est à la fois, le sujet et l’objet de son œuvre. Mettant «son coeur à nu», il évoque, tour à tour, ses espoirs et ses déboires familiaux, ses amours et ses désillusions, ses angoisses et ses aspirations et les déceptions d’une vieillesse précoce n’aboutissant qu’à la mort. Pourtant, Baudelaire, au lieu de faire de l’étalage du Moi, fait, d’après sa définition, «de la concentration et de la vaporisation du Moi» dans le sens qu’il s’est raconté, au jour le jour, sans fausse pudeur, dans la réalité de sa faiblesse physique et morale, et, sous l’effet de la drogue ou de l’alcool, il a pénétré dans le domaine de l’extase poétique.

le rôle du poète: Baudelaire se rattache à l’école romantique, notamment à Hugo par la condition de «paria» à laquelle la société condamne le poète. Pourtant, loin de tout souci philosophique ou moral qui attribuait à cet être d’élection, souvent méconnu et incompris, le rôle de guide ou de prophète de l’humanité, Baudelaire ne voit dans la figure du poète qu’un être vulnérable, extrêmement sensible, qui entend les langages de la nature et les voix imperceptibles aux autres hommes.

De temps en temps, apparaissant sur la terre comme un phare qui éclaire la route des mortels, le poète laisse entrevoir les beautés suprêmes. Le poète s’élève au-dessus des hommes, mais, souvent méprisé et persécuté, il est cloué au sol, où il connaît tous les opprobres de la vie (génie dépaysé dans une société médiocre qui le méconnaît et qui le raille).

le mysticisme: de part son inspiration, le Romantisme se veut national et chrétien. Or, Baudelaire, élevé dans la religion catholique, garde (conserve) toujours une certaine sensibilité chrétienne, qui le fait vibrer d’un intense désir de pureté. L’idée du péché originel l’obsède.
Mais, vis-à-vis d’un Chateaubriand établissant les préceptes de son dogmatisme religieux, d’un Lamartine cherchant dans la nature le moyen pour atteindre Dieu, d’un Hugo retraçant l’image d’un Dieu juge, Baudelaire étale un mysticisme vers lequel confluent plusieurs éléments qui sont:

- la nostalgie d’un bonheur perdu et l’aspiration à retrouver Dieu; - la lutte entre le Bien et le Mal;
- l’attrait de Satan et le goût de la révolte;
- des visions macabres et les horreurs de la mort;

- la hantise du péché et du remords; - la douleur purificatrice;
-la force de la prière.

Le poète parnassien

Pourquoi Baudelaire se réclame-t-il aussi de l’École parnassienne?

Baudelaire se réclame aussi de l’École parnassienne par son opposition aux excès de lyrisme et à la versification trop facile de l’école romantique. Comme l’avait fait Théophile Gautier, auquel il dédie ses Fleurs du Mal, Baudelaire affirme la nécessité d’un art étudié, car l’écrivain n’est pas seulement l’interprète inspiré de la nature, mais un artiste et même un artisan. Baudelaire a toujours rendu un culte à la beauté et l’Art lui est apparu comme «le meilleur témoignage» de la dignité humaine, l’instrument le plus précieux de l’ascension vers l’Idéal.

Si Baudelaire partage avec les parnassiens le culte de la Beauté, il en dépasse les limites du jeu esthétique par la grande place qu’il accorde à l’inspiration.
C’est par son inspiration qu’il réalise une Beauté personnelle et moderne, allant du mysticisme le plus profond au satanisme le plus poussé, et traduisant en images les spectacles que lui offre la vie, ses attitudes intellectuelles ou les angoisses de sa pensée.

Baudelaire doit à Edgar Poe, cherchant dans les paradis artificiels l’inspiration et l’oubli de la vie quotidienne, la technique de la sensation, la vision polyédrique et colorée de l’art.
Les œuvres de Poe lui ont révélé un frère spirituel, un poète exceptionnel, un profond connaisseur du mystère, des sensations précises et inexplicables à la fois.

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Où l’on découvre (mais de l’auteur des Fleurs du mal, est-ce une surprise ?) un Baudelaire suicidaire, et qui l’écrit à sa mère « Songe que depuis tant, tant d’années, je suis sans cesse au bord du suicide. Je ne te dis pas cela pour t’effrayer ; car je me sens malheureusement condamné à vivre ; mais simplement pour te donner une idée de ce que j’endure depuis des années qui pour moi ont été des siècles. […] Si tu savais combien j’aurais de talent, et de souplesse, et de douceur dans le caractère, et même peut-être de gaité, si j’étais débarrassé de tout ce qui m’accable depuis dix-neuf ans ! ».

Compléments pour els poèmes de l'exotisme :


La chevelure

Ô toison, moutonnant jusque sur l'encolure !
Ô boucles ! Ô parfum chargé de nonchaloir !
Extase ! Pour peupler ce soir l'alcôve obscure
Des souvenirs dormant dans cette chevelure,
Je la veux agiter dans l'air comme un mouchoir !

La langoureuse Asie et la brûlante Afrique,
Tout un monde lointain, absent, presque défunt,
Vit dans tes profondeurs, forêt aromatique !
Comme d'autres esprits voguent sur la musique,
Le mien, ô mon amour ! nage sur ton parfum.

J'irai là-bas où l'arbre et l'homme, pleins de sève,
Se pâment longuement sous l'ardeur des climats ;
Fortes tresses, soyez la houle qui m'enlève !
Tu contiens, mer d'ébène, un éblouissant rêve
De voiles, de rameurs, de flammes et de mâts :

Un port retentissant où mon âme peut boire
A grands flots le parfum, le son et la couleur ;
Où les vaisseaux, glissant dans l'or et dans la moire,
Ouvrent leurs vastes bras pour embrasser la gloire
D'un ciel pur où frémit l'éternelle chaleur.

Je plongerai ma tête amoureuse d'ivresse
Dans ce noir océan où l'autre est enfermé ;
Et mon esprit subtil que le roulis caresse
Saura vous retrouver, ô féconde paresse,
Infinis bercements du loisir embaumé !

Cheveux bleus, pavillon de ténèbres tendues,
Vous me rendez l'azur du ciel immense et rond ;
Sur les bords duvetés de vos mèches tordues
Je m'enivre ardemment des senteurs confondues
De l'huile de coco, du musc et du goudron.

Longtemps ! toujours ! ma main dans ta crinière lourde
Sèmera le rubis, la perle et le saphir,
Afin qu'à mon désir tu ne sois jamais sourde !
N'es-tu pas l'oasis où je rêve, et la gourde
Où je hume à longs traits le vin du souvenir ?

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https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/f/f1/Paul_Gauguin_128.jpg
XXII - Parfum exotique

Quand, les deux yeux fermés, en un soir chaud d'automne,
Je respire l'odeur de ton sein chaleureux,
Je vois se dérouler des rivages heureux
Qu'éblouissent les feux d'un soleil monotone;

 

Une île paresseuse où la nature donne
Des arbres singuliers et des fruits savoureux;
Des hommes dont le corps est mince et vigoureux,
Et des femmes dont l'oeil par sa franchise étonne.

 

Guidé par ton odeur vers de charmants climats,
Je vois un port rempli de voiles et de mâts
Encor tout fatigués par la vague marine,

 

Pendant que le parfum des verts tamariniers,
Qui circule dans l'air et m'enfle la narine,
Se mêle dans mon âme au chant des mariniers.
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L'invitation au voyage

Mon enfant, ma soeur,
Songe à la douceur
D'aller là-bas vivre ensemble !
Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble !
Les soleils mouillés
De ces ciels brouillés
Pour mon esprit ont les charmes
Si mystérieux
De tes traîtres yeux,
Brillant à travers leurs larmes.

Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.

Des meubles luisants,
Polis par les ans,
Décoreraient notre chambre ;
Les plus rares fleurs
Mêlant leurs odeurs
Aux vagues senteurs de l'ambre,
Les riches plafonds,
Les miroirs profonds,
La splendeur orientale,
Tout y parlerait
À l'âme en secret
Sa douce langue natale.

Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.

Vois sur ces canaux
Dormir ces vaisseaux
Dont l'humeur est vagabonde ;
C'est pour assouvir
Ton moindre désir
Qu'ils viennent du bout du monde.
- Les soleils couchants
Revêtent les champs,
Les canaux, la ville entière,
D'hyacinthe et d'or ;
Le monde s'endort
Dans une chaude lumière.

Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.

J'ai longtemps habité sous de vastes portiques
Que les soleils marins teignaient de mille feux,
Et que leurs grands piliers, droits et majestueux,
Rendaient pareils, le soir, aux grottes basaltiques.

Les houles, en roulant les images des cieux,
Mêlaient d'une façon solennelle et mystique
Les tout-puissants accords de leur riche musique
Aux couleurs du couchant reflété par mes yeux.

C'est là que j'ai vécu dans les voluptés calmes,
Au milieu de l'azur, des vagues, des splendeurs
Et des esclaves nus, tout imprégnés d'odeurs,

Qui me rafraîchissaient le front avec des palmes,
Et dont l'unique soin était d'approfondir


Je n'ai pas oublié, voisine de la ville,
Notre blanche maison, petite mais tranquille ;
Sa Pomone de plâtre et sa vieille Vénus
Dans un bosquet chétif cachant leurs membres nus,
Et le soleil, le soir, ruisselant et superbe,
Qui, derrière la vitre où se brisait sa gerbe,
Semblait, grand oeil ouvert dans le ciel curieux,
Contempler nos dîners longs et silencieux,
Répandant largement ses beaux reflets de cierge
Sur la nappe frugale et les rideaux de serge.

Mère des souvenirs, maîtresse des maîtresses,
Ô toi, tous mes plaisirs ! ô toi, tous mes devoirs !
Tu te rappelleras la beauté des caresses,
La douceur du foyer et le charme des soirs,
Mère des souvenirs, maîtresse des maîtresses !

Les soirs illuminés par l'ardeur du charbon,
Et les soirs au balcon, voilés de vapeurs roses.
Que ton sein m'était doux ! que ton cœur m'était bon !
Nous avons dit souvent d'impérissables choses
Les soirs illumines par l'ardeur du charbon.

Que les soleils sont beaux dans les chaudes soirées !
Que l'espace est profond ! que le cœur est puissant !
En me penchant vers toi, reine des adorées,
Je croyais respirer le parfum de ton sang.
Que les soleils sont beaux dans les chaudes soirées !

La nuit s'épaississait ainsi qu'une cloison,
Et mes yeux dans le noir devinaient tes prunelles,
Et je buvais ton souffle, ô douceur ! ô poison !
Et tes pieds s'endormaient dans mes mains fraternelles.
La nuit s'épaississait ainsi qu'une cloison.

Je sais l'art d'évoquer les minutes heureuses,
Et revis mon passé blotti dans tes genoux.
Car à quoi bon chercher tes beautés langoureuses
Ailleurs qu'en ton cher corps et qu'en ton cœur si doux ?
Je sais l'art d'évoquer les minutes heureuses !

Ces serments, ces parfums, ces baisers infinis,
Renaîtront-ils d'un gouffre interdit à nos sondes,
Comme montent au ciel les soleils rajeunis
Après s'être lavés au fond des mers profondes ?
- Ô serments ! ô parfums ! ô baisers infinis !

Charles Baudelaire - Les Fleurs du mal - Spleen et idéal

Chant d'automne

I

Bientôt nous plongerons dans les froides ténèbres ;
Adieu, vive clarté de nos étés trop courts !
J'entends déjà tomber avec des chocs funèbres
Le bois retentissant sur le pavé des cours.

Tout l'hiver va rentrer dans mon être : colère,
Haine, frissons, horreur, labeur dur et forcé,
Et, comme le soleil dans son enfer polaire,
Mon coeur ne sera plus qu'un bloc rouge et glacé.

J'écoute en frémissant chaque bûche qui tombe ;
L'échafaud qu'on bâtit n'a pas d'écho plus sourd.
Mon esprit est pareil à la tour qui succombe
Sous les coups du bélier infatigable et lourd.

Il me semble, bercé par ce choc monotone,
Qu'on cloue en grande hâte un cercueil quelque part.
Pour qui ? - C'était hier l'été ; voici l'automne !
Ce bruit mystérieux sonne comme un départ.

II

J'aime de vos longs yeux la lumière verdâtre,
Douce beauté, mais tout aujourd'hui m'est amer,
Et rien, ni votre amour, ni le boudoir, ni l'âtre,
Ne me vaut le soleil rayonnant sur la mer.

Et pourtant aimez-moi, tendre coeur ! soyez mère,
Même pour un ingrat, même pour un méchant ;
Amante ou soeur, soyez la douceur éphémère
D'un glorieux automne ou d'un soleil couchant.

Courte tâche ! La tombe attend ; elle est avide !
Ah ! laissez-moi, mon front posé sur vos genoux,
Goûter, en regrettant l'été blanc et torride,
De l'arrière-saison le rayon jaune et doux !