Si le peintre veut voir des beautés qui le rendent amoureux, il est en son pouvoir de les faire naître ; s’il veut voir des choses monstrueuses qui fassent peur, ou bien qui soient bouffonnes et ridicules, ou qui attirent la pitié, il est maître et Dieu ; s’il veut faire apparaître des lieux et des déserts, des endroits ombreux ou sombres, des climats chauds, et qu’il les repr ésente, ces lieux brûlants ou ces temps froids . S’il veut des vallons, s’il veut découvrir de vastes champs depuis de hauts sommets, et s’il veut, ensuite, voir l’horizon de la mer, il en est le maître, et de même si depuis les vallons profonds il veut voir les hautes montagnes et depuise les hautes montagnes les vallons profonds et les plages. En vérité ce qui est dans l’univers parce que cela existe, qu’on en rencontre souvent, ou qu’on l’imagine, tout cela il l’a dans l’esprit d’abord, entre les mains ensuite. 

Léonard de Vinci, Eloge de l'oeil. 

L’oeil « dépasse la nature dont les œuvres sont finies, tandis que celles qu’exécutent les mains, à la commande de l’œil, sont infinies, comme le démontre le peintre en représentant fictivement une infinité de formes, d’animaux, herbes, plantes et lieux ». ( …)

Tout « ce qu’il y a dans l’univers par essence, présence ou fiction, il l’a, dans l’esprit d’abord, puis dans les mains, et celles-ci ont une telle vertu qu’elles engendrent à un moment donné une harmonie de proportions embrassée par le regard comme la réalité même ». (…)  « Le caractère divin que possède la science de la peinture fait que l’esprit du peintre se transmute en une image de l’esprit de Dieu, car il s’adonne avec une libre puissance à la création d’espèces diverses. » 

 


Leon Battista Alberti   
La beauté est une espèce d’harmonie et d’accord entre toutes les parties, qui forment un tout construit selon un nombre fixe, une certaine relation, un certain ordre tels que l’exige le principe de symétrie, qui est la loi la plus élevée et la plus parfaite de la nature. 
De re aedificatoria
, 1485.

 

` Mathias Enard, parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants

Je vais te dire comment apprendre, il n’y a pas d’autre façon. Appuie ton bras gauche sur la table devant toi, la main à demi ouverte, le pouce détendu, et avec la droite dessine ce que tu vois, une fois, deux fois, trois fois, mille fois. Tu n’as pas besoin de modèle ni de maître. Il y a tout dans une main. Des os, des mouvements, des matières, des proportions et même des drapés. Fais confiance à ton œil. Recommence jusqu’à ce que tu saches. Puis tu feras la même chose avec ton pied, en le posant sur un tabouret ; puis avec ton visage, grâce à un miroir. Ensuite tu pourras passer à un modèle, pour les postures.

-Vous croyez qu’il est possible d’y arriver, maestro ? ici personne ne dessine comme ça les icônes..

-Les icones sont des images d’enfants, Manuel. Peintes par des enfants pour des enfants. Je t’assure, suis mes conseils et tu verras que tu dessineras. Tu pourras t’amuser à copier des icônes tant que tu voudras. »

 

Daniel Arasse sur Léonard de Vinci: « Relais essentiel de sa recherche, qu’elle soit scientifique, technique ou artistique, le dessin est en effet au cœur de la démarche de sa pensée. Non seulement il lui permet de clarifier et de connaître le visible, non seulement il est “la seule forme satisfaisante d’investigation scientifique” (André Chastel) mais, plus universellement, il construit le modèle théorique, conceptuel, du visible. »