|
|
Le Petit Diego... « L'ère » (1904) |
|
En 1904, il obtient avec le soutien de Justo Sierra une bourse du Secrétariat de l'Instruction Publique pour poursuivre ses études et achever sa formation en Europe. Comme pour beaucoup d'intellectuels et d'artistes de ce début de siècle, il est impératif d'avoir fait ce voyage en Europe, soit pour parfaire son éducation ou sa formation..., mais surtout pour y devenir un véritable « homme du monde », le brevet moral qui sied à l'aristocratie mexicaine. Pour lui, cette bourse est inespérée. En fait, grâce à elle, il pourra passer près de 15 ans en Europe. Mais Diego est du genre plutôt turbulent, il retrouvera là-bas la sensation de la vraie liberté. En Italie, il découvre le peintre Giotto, le précurseur de la Renaissance italienne. Ses fresques et ses peintures murales, qui existent encore aujourd'hui, semblent marquer profondément Diego Rivera. Ce voyage en Italie marque un tournant dans sa formation artistique car il y puisera la manière de réaliser ses fresques murales qui feront plus tard sa renommée. Il n'a pas déjà 20 ans qu'il peut exposer ses premiers travaux à l'Académie San Carlos de Mexico. En 1907, il visite l'Espagne, séjournant à Tolède et Avila où il se laisse inspirer par la campagne castillane. A Madrid, muni d'une lettre d'introduction de Gerardo Murillo, Dr Atl, il se rend chez le célèbre modiste Eduardo Chicharro qui le prend un temps dans son atelier comme étudiant. Il étudiera là les spécialité espagnoles. Il se lie d'amitié au peintre en vogue María Gutiérrez. Mais le cœur de renouveau artistique se situe à Paris. Il passe par la Belgique et y passe l'hiver 1909. Il rencontre à Bruges la belle Angélina Beloff, une jeune artiste russe, une femme au fort caractère, blonde platine comme les rêvent les mexicains. Ils s'installent ensemble à Paris en novembre 1909. Là, il fait la connaissance des figures de Montmartre et de Saint-Germain-des-Prés. Il adhère à la « Société des Artistes Indépendants », ce qui lui permet d'exposer son travail (qui ne fait que poursuivre le mouvement en vogue : portraits cubistes, paysages impressionnistes... Il a le temps de revenir à Mexico en Novembre 1910 où il expose à nouveau à San Carlos. 1912, il s'installe avec Angélina au 26 de la rue du Départ, situé à Montparnasse Modigliani en 1913, avec qui il lie une forte amitié. Il réalisera d'ailleurs un portrait de lui ( « Portrait de Diego Rivera », Modigliani, 1914, Musée de São Paulo). Il est à Paris pendant les années de guerre. Un peu plus tard, il commence à fréquenter le « Cercle des Cubistes » dans le Montparnasse du début des années folles. Rapidement, il se sent proche d'eux. Sa peinture s'apparente alors à celle de Miró, de Picasso et surtout de Juan Grís. Il réalise toujours des portraits de ses amis et de ses proches qu'il traite de manière radicalement « cubiste » : « Le Marin dînant », « L'Architecte » (1913 ), « Le Mathématicien » (1918 ), « Maternité » (1916). Il pense cependant à la révolution qui secoue son pays dans des peintures comme « Paysage Zapatiste ». |
|
« Paysage Zapatiste » - 1913 |
|
Mais il continue à peindre aussi des portraits d'un style plus classique, « à la Ingres » : « Portrait d'Adolfo Maugard » (1913 ). Ainsi toute sa vie, il variera de styles avec aisance mais il peindra toujours les mêmes thèmes comme ces nombreuses scènes de campagne qu'il aime particulièrement : « Rue d'Avila » (1908), « Les Vieux » (1912). Comme pour Picasso, ce cubisme n'est pour lui qu'une « syntaxe » qui est certes à utiliser car elle offre une réelle nouveauté mais qui n'est pas la seule manière d'exprimer la modernité. Il s'intéresse de près à la Révolution qui déchire son pays, s'engage pour les révolutionnaire et va servir leur cause dans des fresques, au style déjà inimitable, telle que « La Révolution Agraire », où il nous montre un Zapata conquérant, tout en grandeur, et déjà idéalisé... |
|
« La Révolution Agraire », « Zapata »(1911) « Autoportrait » (1907) |
|
Dans les années 1920, il réalise des scènes de campagne, calmes et grandioses, dont le style est plutôt impressionniste comme « Dans la Vigne » (1920). Il rentre au Mexique en 1921. Il délaisse alors l'Avant-garde abstraite en vogue à Paris pour se consacrer à son propre pays. Entre son engagement politique et ses aspirations artistiques, il va tenter de faire renaître un art et une peinture typiquement « mexicains ». Les milieux intellectuels sont en pleine ébullition et les historiens de l'art parlent même cette époque comme celle de la « Renaissance mexicaine ». Diego Rivera en est l'initiateur. Pour cela, il va cherchant son inspiration dans le monde qui l'entoure, son monde, sa vie quotidienne, l'histoire de son pays, ses coutumes comme ce goût prononcé pour le morbide et la mort... Il reprend la technique, chère aux précolombiens, de la fresque (et de préférence monumentale), faite à la détrempe. Tout de suite, son style est remarqué. En 1922, il réalise la fresque de l'amphithéâtre « Bolivar » de l'Ecole Nationale Préparatoire, puis l'Ecole d'Agriculture de Chapingo, puis des ministères : Santé, Education et finalement le Palais Présidentiel ( « Histoire du Mexique : de la Conquête à 1930 », 1929-35 et 1945). |
|
« Histoire du Mexique, de la Conquête à 1930 » |
|
Il peint aussi beaucoup de scènes où abondent les fleurs, thème important chez les Aztèques. Les indiens, qui forment une large part de la population, offrent aussi des visages et des thèmes qu'il traitesouvent d'une manière apparemment « naïve », aux formes rondes et généreuses, mais ces scènes représentent toujours pour lui des symboles essentiels de son pays : « Danse de Tehuantepec » (1928). Enthousiasmé par l'expérience soviétique qui représente un immense espoir pour beaucoup de jeune intellectuels de sa génération, il se rend en Union Soviétique en 1927-28 (il y retournera en 1950). En 1929, au cours d'un débat politique, il rencontre une jeune étudiante dont la beauté le sidère : une certaine Frida Kahlo. C 'est le coup de foudre. Diego Rivera, qui a vingt ans de plus qu'elle, est déjà un artiste reconnu. Sa peinture sert son dessein, il a travaillé pour le gouvernement qui à besoin d'artistes pour l'aider à la propagation des idées révolutionnaires au sein de la population et qui, largement illettrée, comprend mieux les images que les discours. Tous les deux, ils font les quatre cents coup avec José Clemente Orozco, David Alfaro Siqueiros, Gerardo Murillo (le « Dr. Atl ») et Juan O'Gorman. Insouciants, fêtards et provocateurs, ils sont pourtant l'élite virtuelle du Mexique. Le 21 août de l'année suivante, Diego et Frida se marient à Mexico... |
|
Photo de Mariage de Diego et Frida
|
|
Dès 1931, sa réputation a franchi la frontière et il devient le deuxième artiste - après Matisse - à faire l'objet d'une rétrospective au Museum of Modern Art de New York. Ainsi, comme José Clemente Orozco et David Alfaro Siqueiros, il se rend aux Etats-Unis. Il travaille à Detroit où il réalise « Industries de Detroit » aussi dénommé « L'homme et la Machine ». Puis à New-York où il réalise « L'homme au Croisement » pour le compte du célèbre milliardaire Rockfeller qui vient d'y édifier son célèbre centre d'affaire (1932-33). Cependant, la fresque soulève tant de critiques, notamment parce qu'on y voit « Lénine », Marx et d'autres « extrêmistes », qu'elle est rapidement retirée sur l'ordre de son commanditaire (on peut même dire « détruite »). Il reprend son idée en la rebaptisant « L'homme, Contrôleur de l'Univers », qui trouvera finalement sa place dans le Palais Présidentiel de Mexico en 1934. Avec l'américain Ben Shahn, il y réalise une fresque très étonnante en l'honneur des travailleurs américains. On le voit passer d'un répertoire ornemental et stylistique très emprunté aux précolombiens à un style plus réaliste et plus vigoureux qui vise plus à frapper le public qu'à le séduire. Le but social de sa peinture apparaissant d'une manière de plus en plus évidente. Il faut aider le peuple à se forger un idéal qui lui permette de surmonter ses malheurs immédiats. |
|
« Autoportrait à Irène Rich » (1941)
|
|
D'un autre côté, son habitude du portrait (et souvent pour lui-même d'ailleurs) et les nombreux voyages qu'il fait dans son propre pays, et même dans les région les moins faciles d'accès, l'amène à peindre des œuvres simples et émouvantes de ce peuple mexicain qu'il aime tant tel ce petit « Ignacio Sanchéz », « Pinole », ou encore « Femmes se peignant », et « Cara Tehuana » ( « Visage de Tehuantepec », « Danse de Tehuantepec » et « Femmes de Tehuantepec », 1939), ou ces fameuses peintures que l'on appellera « indigénistes » comme le « Duo Indigène » ou ces scènes de récolte et de travail des champs qui nous rappellent tous les peintures des Classiques. Et ces fleurs, toutes ces fleurs... ( « Fleurs », « Le Porteur de Fleurs », 1935). |
|
« Portrait d'Ignacio Sanchéz » (1938) |
|
1940 est l'année de la grande exposition « XX siècles d'Art Mexicain » organisée au Musée d'Art Moderne. Cette inauguration fastueuse est assurée par les grandes célébrités de l'époque (dont Greta Garbo !) et rapidement l'exposition rencontre un large succès national et international. Un succès tel d'ailleurs que c'est une illustration de Miguel Covarrubias (qui est chargé de la rénovation du musée) qui fait la couverture du magazine américain Vogue (généralement, ce sont des photographies). A l'intérieur de la revue, parmi les portraits des invités peints par Covarrubias, on peut reconnaître Edward G. Robinson, Alfred Barr, Carlos Chávez, Roberto Montenegro, Inés Amo... L'art mexicain et ses remarquables talents trouvent enfin la reconnaissance qu'ils méritaient auprès spécialistes et des amateurs éclairés. Mais ils intéressent aussi le marché de l'art et bien sûr celui de New-york, là où se trouvent les plus grandes galeries et les plus gros mécènes. Cependant, il ne se détourne pas de son pays et de Mexico en peignant notamment « Rêve d'un dimanche après-midi au Parc Alameda » en 1947. Il continue aussi sa série d'autoportraits où il se montre toujours souriant voire enjoué. Mais ces peintures, au fil du temps, ne cachent plus sa lente décrépitude... |
|
« La vendeuse de fleurs » (1942)
|
|
En 1950, il retourne en URSS où il peut organiser une exposition à la gloire du communisme qui pourtant n'a visiblement pas remplis ses promesses. A Moscou, son exposition est un triomphe. Mais se rend-il compte qu'il est manipulé alors qu'il sert la propagande officiel ? Comme le dira l'historien Isaac Deutscher : après l'assassinat de Trotsky en 1940, il est « retourné dans le giron stalinien ». En 1954, il fera sa demande de réintégration au Parti, demande qui sera accepté. Ses dernières réalisations d'envergure sont inaugurées à la Cité Universitaire de Mexico en 1953 et dans le bâtiment de la Sécurité sociale ( la monumentale fresque « Histoire de la médecine : La Cardiologie », 1955). Diego et Frida manifestent toujours ensemble contre l'intervention de la CIA au Guatémala. C'est la dernière fois qu'on les verra en public. Affaiblie par les nombreuses interventions chirurgicales qu'elle a subie, Frida Kahlo, sa compagne de toujours, décède en 1954. |
|
« Dos d'une Femmes Nue » (1926) |
|
En juillet 1956, il se marie (une nouvelle fois !) avec Emma Hurtado. C'est une belle femme, elle s'occupait de ses intérêts et des ses tableaux, maintenant elle s'occupera aussi de lui. Il n'est pas en grande forme mais il part en voyage de noce à Moscou. Invité par l'Académie des Beaux-arts, il reçoit un accueil triomphale et assiste enthousiaste au défilé du 1er Mai commémorant les 50 ans de la Révolution d'Octobre ( « Défilé du 1er mai pour l'anniversaire de la Révolution russe »). En fait, c'est un cancer qui le ronge, il est là pour subir un traitement au cobalt que l'on dit révolutionnaire (octobre - décembre 56). Il retourne au Mexique et s'installe chez son amie Dolorès Olmedo pour sa convalescence. Il n'a pas oublié Frida. Avec la banque de Mexico, il réunit les fonds nécessaires à la réalisation d'un musée dans la maison de Coyoacán, la fameuse « La maison bleue », (devenu depuis le Musée Frida Kahlo - Londres n°247, angle de Allende - Mexico) où ils avaient vécu ensemble leur passions et leurs drames. Le musée réunitlà les œuvres de Frida et les œuvres de la collection dite d'« Anahuacalli » (un trésor d'objets d'art précolombien). Pour son 70 ème anniversaire, une grande fête y est organisé et un hommage national lui a été rendu à travers tout le pays. |
|
« Défilé du 1er mai à Moscou pour l'anniversaire de la Révolution russe» (1956)
|
|
Il meurt le 24 novembre 1957 d'une attaque cardiaque dans son studio de San Angel à Mexico et le deuil national est proclamé. L'émotion est grande à travers le pays où il représentait à lui tout seul tous ses concitoyens. En fait, il incarnait à sa manière la « mexicanité » tant recherchée, tant proclamée. Le Mexique perdait un homme capable d'incarner à lui tout seul sa modernité. Contre ses dernières volontés, son corps sera déposé près de ceux des autres héros du Mexique, au Panthéon de Dolores, dans la « Rotonde des Hommes Illustres ». Son histoire, mais surtout son caractère, a fait de lui un symbole pour tous les mexicains. |
http://boricuailicitana.blogspot.com/2012/05/diego-rivera.html