ORPHEE. POUR COMMENCER,UN EXCELLENT SITE D'INTRODUCTION : http://mythologica.fr/grec/orphee2.htm

Ovide (Publius Ovidius Naso) poète latin, naquit en 43 av. notre ère à Sulmone, dans les Abruzzes. Ovide fut élevé au sein d'une riche famille équestre. 

Il s'intéresse très tôt à la poésie. Après des études de droit à Rome, qui lui permirent d'exceller dans l'art de la rhétorique, Ovide partit achever ses études à Athènes, puis voyagea en Grèce et en Sicile. D'abord apprécié  et protégé par l'empereur Auguste, il vit pourtant sa situation changer radicalement en l'an 8 de notre ère lorsqu'il est exilé par l'empereur à Tomes (actuellement Constantza, en Roumanie). En effet, ce manuel de séduction au contenu grivois aurait déplu à Auguste, alors soucieux de restaurer la morale à Rome. 

Ovide publie en 15 av. notre ère Les Amours (Amores), un recueil de poèmes, et Les Héroïdes, un recueil de lettres écrites en vers par des héroïnes de la mythologie et destinées à leurs amants.

Les Métamorphoses sont une sorte de musée imaginaire de la mythologie, plus de 250 légendes y figurent. En tout ce sont plus de 15 livres (de plus de 1200 vers chacun). Ovide a rassemblé les légendes et les faits s'étendent du chaos originel au règne d'Auguste. Ces légendes concernent la plupart du temps des métamorphoses d'hommes en animaux, végétaux, minéraux, astres… Ainsi l'on trouve des personnages comme Deucalion, Pyrrha, Narcisse, Persée, Jason et Médée, Circé, Dédale et Icare, Enée, Romulus, Numa, César 

En 8, il est contraint à l'exil, à Tomes (en Roumanie), par Auguste. Malgré la mort d'Auguste en 14, Ovide n'est pas rappelé. Il écrit les Tristes et les Pontiques, des recueils de lettres élégiaques adressées à sa femme et à ses amis.

Ovide meurt en 17.

Melencholia Albrecht Durer
Melencholia Albrecht Durer

http://edutheque.philharmoniedeparis.fr/0752026-l-orfeo-de-claudio-monteverdi.aspx

  GERARD DE NERVAL, LES CHIMERES, EL DESDICHADO

El Desdichado

Je suis le Ténébreux, - le Veuf, - l'Inconsolé,
Le Prince d'Aquitaine à la Tour abolie :
Ma seule Etoile est morte, - et mon luth constellé
Porte le Soleil noir de la Mélancolie.

Dans la nuit du Tombeau, Toi qui m'as consolé,
Rends-moi le Pausilippe et la mer d'Italie,
La fleur qui plaisait tant à mon coeur désolé,
Et la treille où le Pampre à la Rose s'allie.

Suis-je Amour ou Phébus ?... Lusignan ou Biron ?
Mon front est rouge encor du baiser de la Reine ;
J'ai rêvé dans la Grotte où nage la sirène...

Et j'ai deux fois vainqueur traversé l'Achéron :
Modulant tour à tour sur la lyre d'Orphée
Les soupirs de la Sainte et les cris de la Fée.

http://www.bacdefrancais.net/desdichado.php
COROT

Axes d’analyse possible sur Apollinaire :

 

  1. Dimension autobiographique et vision ambigue du poete sur lui-même
  2. Gloire : éléphant : la matière précieuse de l’ivoire, le cheval : rapidité et force de déplacement du poète inspire

 

  1. Misère : cf souris +28ans : ambigüité du bilan , cf les dauphins , vison humoristique du poète : paon : beau devant, laid derrière

 

  1. définition de l’affectivité du poète : parasite amoureux, comme les puces, le poulpe : suceur de sang, inhumain : vision ambigüe de soi même + méduses

 

=> mélange de bien être et de circonstances difficiles la tempête

II.      Hésitations des registres

  1. Style et thèmes nobles : gloire, thème toison d’or, le char d’or, le palais de rosemonde + bcp références mythiques et historiques, le chant positif d’Orphée contre celui des sirènes, chant chrétien, contre le chant paien : anges du paradis
  2. Parodie, dérision, burlesque. microbes, infecte, mal vecu, a reculons, melancolie

+ rime excessive en ou ( hibou)

  1. Mélange de familier et de noble cree une style particulier et moderne

 

III. définition de la poésie à travers ces métaphores :

  1. Comme vecteur de gloire, éléphant à cause des ivoires
  2. La poésie comme énergie et déplacement : sauterelle cheval
  3. => mais aussi menace d’impuissance : l’écrevisse, la carpe : symbolisent l’immobilité, le recul , l’oubli # de la gloire)

 

Conclusion : phénomène de mystification et de démystification du poète.

Paul Valéry :

Album de vers anciens

Orphée 

 

 

... Je compose en esprit, sous les myrtes, Orphée
L’Admirable !... le feu, des cirques purs descend ;
Il change le mont chauve en auguste trophée
D’où s’exhale d’un dieu l’acte retentissant.

Si le dieu chante, il rompt le site tout-puissant ;
Le soleil voit l’horreur du mouvement des pierres ;
Une plainte inouïe appelle éblouissants
Les hauts murs d’or harmonieux d’un sanctuaire.

Il chante, assis au bord du ciel splendide, Orphée !
Le roc marche, et trébuche ; et chaque pierre fée
Se sent un poids nouveau qui vers l’azur délire !

D’un Temple à demi nu le soir baigne l’essor,
Et soi-même il s’assemble et s’ordonne dans l’or
À l’âme immense du grand hymne sur la lyre !

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Activités:

- relever le champ lexical de l'enthousiasme

- et du mouvement

- les éléments de la Grece antique

-quels éléments vous semblent bizarres?


http://mythologica.fr/grec/pic/orphee_rubens.jpg

 

 

 

 

 

 

 

 


 

Paul Valéry :Album de vers anciens Orphée

 

I. un espace étrange et abstrait

 

a. un espace non identifié

- un sanctuaire, lequel?

- un mont lequel?

-un site, lequel? un temple..

-au bord du ciel...?

 

b. un cosmos fondé sur l'apensanteur

mouvement des pierres

 

c. animation de l'espace:

- verbes de mouvement : " descend, change, s'exhale, rompt"

- essor du temple, le feu qui descend des cirques ( symbolisme de l'inspiration?)

- les pierres fées en délire

 

II. portrait d'orphée en etre d'exception:

 

a. un chant spécial

une plainte inouie, thème du chant nouveau qui surpasse les chants antérieurs, et du chant inspiré, par le feu la furueru divine,

 

b. un etre entre l'homme et le dieu : " "où s'exhale d'un dieu l'acte retentissant": le soleil voit l'horreur du mouvement de spierres, concurrence entre le dieu, appolon, le soleil, et Orphée qui fait bouger par son chant les éléments du monde.

il rompt le site et apelle le smurs du sanctuaire, donc son chant évolue dans un univers sacré.

 

c. Orphee ordonnateur des étoiles : du poete à sa constellation.

les pierres semblent aller vers l'azur et donc deviennent constellations

homophonie: chante/ change : il fait bouger le spierres et fait que le temple prend son essor

 

III. les partis pris poétiques de Valéry

 

remarque prélimiaire: présence du poète dans son poème, identification

 

a. la préciosité

-je compose en esprit ....et non en chant : presence du je, poésie sur la poesie

- dans la syntaxe : antepositions.. d'un temple a demi nu / d'un dieu l'acte retentissant

- vocabulaire: azur, auguste

-diérèses : de harmonieux et sanctuaire : coupe étrange

-le dernier tercet parait calqué sur une structure latine, presque à déchiffrer: "le soir baigne l'essor du temple, et s'ordonne dans l'or du grand hymne sur la lyre, hymen a l'ame immense.

 

b. la référence à l'antiquité

- le thème de la fureur poetique : le feu

- sous les myrtes, arbre dedié à Venus,

- le trophée, le temple, les sites

 

c. une poésie de l'enthousiasme

- le mot délire

- hyperbole, ame immense : grand hymne, inouie

-voc melioratif: l'or, splendide, admirable, auguste

-point d'exclamation

 

 

Conclusion:

L'esprit ou le chant déplacent les montagnes et font que l'homme s'egale aux dieux: valery n'a pas peur des hubris...!!!Certes valéry s'inscrit volontairement dans une tradition antique, mais il est bien aussi du 20e siècle, comme le montre la transfornation du voyage terrien et souterrain d'orphée en ordonnation stellaire, en existence cosmique.

Ouvertire, à ce titre, on peut penser au poème surréaliste de Desnos : "Soleil en laisse" dans lequel il semble que le jeu poétique se situe dans l'espace.

RAINER MARIA RILKE SONNETS A ORPHEE

 

Les Elegies de Duino et les Sonnets à Orphée sont apparus quasiment en même temps. Il s'agit de l'oeuvre tardive de Rilke, ce qu'il a écrit avec le plus de maturité et de convictions. Je vous parlerai des Sonnets à Orphée. Rilke utilise là la figure d'Orphée pour illustrer ses propos: le principe de métamorphose, la mort d'Eurydike comme étape pour accéder à la vie. En effet, Rilke fut très impressionné par la mort d'une jeune fille: Vera Ouckama Knoop. Cette jeune fille avait comme projet artistique de devenir danseuse. Où se trouve la frontière entre cette jeune fille, que la mort a privé d'une vie terrestre et Eurydike, qui ne sera jamais sauvée par le chant d'Orphée? La réponse restera inachevée car la force du poète est de rallier imagination et réalité.
Au centre du recueil, une affirmation: « Gesang ist Dasein » (L'existence est chant). Aucune rhétorique ne pourra contredire cette assertion, qui pour Rilke dépeint le motif d'une existence qui est trop souvent soumise aux déchirures, à l'abandon. Le « je lyrique » est un « je didactique »: il doit nous conduire à nous transcender, à s'affirmer comme être de la métamorphose. Et il faut oser cette métamorphose pour pouvoir entrevoir une réalité qui n'est pas innée mais fruit d'une transformation. « Veux la métamorphose. Ô sois plus que fou de la flamme / ce qu'elle te soustrait se transforme en elle avec faste. ». Ce n'est pas les poèmes les plus simples à comprendre de Rilke, mais ce sont, à mon avis, les plus aboutis. Lorsque l'on s'y penche, on y trouve une force, une force de vie. La mort n'est pas en désaccord avec la vie mais la mort doit interroger la vie, voire être son complément. Car c'est en faisant l'expérience de la mort (réelle ou abstraite) que l'on pourra avoir une « pleine conscience » de la réalité pour ensuite la dépasser.
Ce recueil est un appel. Un appel à se construire une réalité où la vie et la mort ne s'affronteront plus mais pourront d'unir, et ainsi dépasser le « ici et maintenant » (Hic et Nun) pour s'inscrire dans une démarche processuelle: celle de la métamorphose. [ Info ] Rilke, Rainer Maria: Elegies de Duino Sonnets à Orphée. (Langue du livre: Français / Allemand) Gerald Stieg (présentation) / JP. Lefebvre et M. Regnaut (traduction). Gallimard, 1994 . ISBN: 978-2-07-032787-4.

Sonnets à Orphée, Rilke

intro : Rainer Maria Rilke, 1875-1925, né à Prague alors appartenant à l'Autriche-Hongrie. Ami de Tolstoi, Rodin, Lou Salomé, a écrit lettres à un jeune poète, élégie de Duino , où il développe les idées suivantes: qu'est ce que la poésie, en quoi est-elle ou non liée à l'amour? comment sait-on qu'on est poète?

 

I. une modernisation du mythe

a. se libère du sujet de l'amour

b. simplification ( souffle )et intensification ( dieu)

abtraction, écriture philo du mythe

c. nous sommes tous les orphées

II. Une réflexion sur la poésie

a. un art oblique et ambigu

( magie, talisman, broc, maige, initiation, mort)

b. le visuel et le sonore

c. concurrence avec dieu

à cause de l'ubiquité et de l'absence de désir

III. Le triomphe d'Orphée, au statut particulier

a. Orphée a l'avantage d'appartenir a la fois au monde des vivants et des morts

b. double statut également : il est humain et divin

c. c'est un magicien, un initiateur vers le monde des morts, un dieu passeur, apprivoiseur et didactique, en cela il est plus aussi qu'un dieu.

Une traduction en ligne des sonnets a Orphée, QUELLE CHANCE !!!!! SUIVEZ LE LIEN CI DESSOUS ET REMERCIEZ NOTRE AMI ROBERT MAILLARD

 

http://www.robert-maillard.com/rilke/index.html?page=14

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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http://fr.wikipedia.org/wiki/Claudio_Monteverdi

RUBENS EURYDICE

RUBENS, EURYDICE


 

 

 

J'aime les vieux tableaux de l'école allemande ;
Les vierges sur fond d'or aux doux yeux en amande,
Pâles comme le lis, blondes comme le miel,
Les genoux sur la terre, et le regard au ciel,
Sainte Agnès, sainte Ursule et sainte Catherine,
Croisant leurs blanches mains sur leur blanche poitrine,
Les chérubins joufflus au plumage d'azur,
Nageant dans l'outremer sur un filet d'eau pur ;
Les grands anges tenant la couronne et la palme ;
Tout ce peuple mystique au front grave, à l'œil calme,
Qui prie incessamment dans les Missels ouverts,
Et rayonne au milieu des lointains bleus et verts.
Oui, le dessin est sec et la couleur mauvaise,
Et ce n'est pas ainsi que peint Paul Véronèse :
Oui, le Sanzio pourrait plus gracieusement
Arrondir cette forme et ce linéament ;
Mais il ne mettrait pas dans un si chaste ovale
Tant de simplicité pieuse et virginale ;
Mais il ne prendrait pas, pour peindre ces beaux yeux,
Plus d'amour dans son cœur et plus d'azur aux cieux ;
Mais il ne ferait pas sur ces tempes en ondes
Couler plus doucement l'or de ses tresses blondes.
Ses madones n'ont pas, empreint sur leur beauté,
Ce cachet de candeur et de sérénité.
Leur bouche rit souvent d'un sourire profane,
Et parfois sous la vierge on sent la courtisane,
On sent que Raphaël, lorsqu'il les dessina,
Avait, passé la nuit, chez la Fornarina.
Ces Allemands ont seuls fait de l'art catholique,
Ils ont parfaitement compris la Basilique ;
Rien de grossier en eux, rien de matériel ;
Leurs tableaux sont vraiment les purs miroirs du ciel.
Seuls ils ont le secret de ces divins sourires
Si frais, épanouis aux lèvres des martyres ;
Seuls ils ont su trouver pour peupler les arceaux,
Pour les faire reluire aux mailles des vitraux,
Les vrais types chrétiens. Dépouillant le vieil homme,
Seuls ils ont abjuré les idoles de Rome.
Auprès d'Albert Durer Raphaël est païen :
C'est la beauté du corps, c'est l'art italien,
Cet enfant de l'art grec, sensuel et plastique,
Qui met entre les bras de la Vénus antique,
Au lieu de Cupidon, le divin Bambino ;
Aucun d'eux n'est chrétien, ni Domenichino,
Ni le Caro Dolci, ni Corrége, ni Guide,
L'antiquité profane est le fil qui les guide ;
Apollon sert de type à l'ange saint Michel ;
Le Jupiter tonnant devient Père Éternel ;
La tunique latine est taillée en étole,
Et l'on fait une église avec le Capitole.
J'en excepte pourtant Cimabué, Giotto,
Et les maîtres Pisans du vieux Campo Santo.
Ceux-là ne peignaient pas en beaux pourpoints de soie,
Entre des cardinaux et des filles de joie ;
Dans des villa de marbre, aux chansons des castrats,
Ceux-là n'épousaient point des nièces de prélats.
C'étaient des ouvriers qui faisaient leur ouvrage,
Du matin jusqu'au soir, avec force et courage ;
C'étaient des gens pieux et pleins d'austérité,
Sachant bien qu'ici-bas tout n'est que vanité ;
Leur atelier à tous était le cimetière,
Ils peignaient, près des morts passant leur vie entière.
Puis, quand leurs doigts raidis laissaient choir les pinceaux,
On leur dressait un lit sous les sombres arceaux.
Ils dormaient là, couchés auprès de leur peinture,
Les mains jointes, tout droits, dans la même posture
De contemplation extatique où sont peints,
Sur les fresques du mur, leurs anges et leurs saints.
Ceux-là ne faisaient pas de l'art une débauche,
Et leur œuvre toujours, quoique barbare et gauche,
Même à nos yeux savants reluit d'une beauté
Toute jeune de charme et de naïveté.
Sur tous ces fronts pâlis, sous cet air de souffrance
Brille ineffablement quelque haute espérance ;
L'on voit que tout ce peuple agenouillé n'attend
Pour revoler aux cieux que le suprême instant.
Dans ces tableaux, partout l'âme glorifiée
Foule d'un pied vainqueur la chair mortifiée ;
L'ombre remplit le bas, le haut rayonne seul,
Et chaque draperie a l'aspect d'un linceul.
C'est que la vie alors de croyance était pleine,
C'est qu'on sentait passer dans l'air du soir l'haleine
De quelque ange attardé s'en retournant au ciel ;
C'est que le sang du Christ teignait vraiment l'autel ;
C'est qu'on était au temps de saint François d'Assise,
Et que sur chaque roche une cellule assise
Cachait un fou sublime, insensé de la Croix ;
Le désert se peuplait de lueurs et de voix ;
Dans toute obscurité rayonnait un mystère,
On aimait, et le ciel descendait sur la terre.
Gothique Albert Durer, oh ! que profondément
Tu comprenais cela dans ton cœur d'Allemand !
Que de virginité, que d'onction divine
Dans ces pâles yeux bleus, où le ciel se devine !
Comme on sent que la chair n'est qu'un voile à l'esprit !
Comme sur tous ces fronts quelque chose est écrit,
Que nos peintres sans foi ne sauraient pas y mettre,
Et qui se lit partout dans ton œuvre, ô grand maître !
C'est que tu n'avais pas, lui faisant double part,
D'autre amour dans le cœur que celui de ton art ;
C'est que l'on ne dit pas, voyant aux galeries
L'ovale gracieux de tes belles Maries,
O mon chaste poëte ! ô mon peintre chrétien !
Comme de Raphaël et comme de Titien,
Voici la Fornarine, ou bien la Muranèse.
Tout terrestre désir devant elle s'apaise,
Car tu ne t'en vas point, tout rempli de ton Dieu,
Emprunter ta madone à quelque mauvais lieu.
Tu ne t'accoudes pas sur les nappes rougies,
Tu ne fais pas soûler dans de sales orgies,
L'art, cet enfant du ciel sur le monde jeté
Pour que l'on crût encore à la sainte beauté.
Tu n'avais ni chevaux, ni meute, ni maîtresse ;
Mais, le cœur inondé d'une austère tristesse,
Tu vivais pauvrement à l'ombre de la Croix,
En Allemand naïf, en honnête bourgeois,
Tapi comme un grillon dans l'âtre domestique ;
Et ton talent caché, comme une fleur mystique,
Sous les regards de Dieu, qui seul le connaissait,
Répandait ses parfums et s'épanouissait.
Il me semble te voir au coin de ta fenêtre
Étroite, à vitraux peints, dans ton fauteuil d'ancêtre.
L'ogive encadre un fond bleuissant d'outremer,
Comme dans tes tableaux ; ô vieil Albert Durer !
Nuremberg sur le ciel dresse ses mille flèches,
Et découpe ses toits aux silhouettes sèches,
Toi, le coude au genou, le menton dans la main,
Tu rêves tristement au pauvre sort humain :
Que pour durer si peu la vie est bien amère,
Que la science est vaine et que l'art est chimère,
Que le Christ, à l'éponge, a laissé bien du fiel,
Et que tout n'est pas fleurs dans le chemin du ciel ;
Et l'âme d'amertume et de dégoût remplie,
Tu t'es peint, ô Durer ! dans ta mélancolie,
Et ton génie en pleurs te prenant en pitié,
Dans sa création t'a personnifié.
Je ne sais rien qui soit plus admirable au monde,
Plus plein de rêverie et de douleur profonde
Que ce grand ange assis, l'aile ployée au dos,
Dans l'immobilité du plus complet repos.
Son vêtement drapé d'une façon austère,
Jusqu'au bout de son pied s'allonge avec mystère ;
Son front est couronné d'ache et de nénuphar ;
Le sang n'anime pas son visage blafard ;
Pas un muscle ne bouge : on dirait que la vie
Dont on vit en ce monde à ce corps est ravie,
Et pourtant l'on voit bien que ce n'est pas un mort.
Comme un serpent blessé son noir sourcil se tord,
Son regard dans son œil brille comme une lampe,
Et convulsivement sa main presse sa tempe.
Sans ordre autour de lui mille objets sont épars,
Ce sont des attributs de sciences et d'arts ;
La règle et le marteau, le cercle emblématique,
Le sablier, la cloche et la table mystique,
Un mobilier de Faust, plein de choses sans nom ;
Cependant c'est un ange et non pas un démon.
Ce gros trousseau de clefs qui pend à sa ceinture,
Lui sert à crocheter les secrets de nature.
Il a touché le fond de tout savoir humain ;
Mais comme il a toujours, au bout de tout chemin,
Trouvé les mêmes yeux qui flamboyaient dans l'ombre,
Qu'il a monté l'échelle aux échelons sans nombre,
Il est triste ; et son chien, de le suivre lassé,
Dort à côté de lui, tout vieux et tout cassé.
Dans le fond du tableau, sur l'horizon sans borne,
Le vieux père Océan lève sa face morne,
Et dans le bleu cristal de son profond miroir,
Réfléchit les rayons d'un grand soleil tout noir.
Une chauve-souris, qui d'un donjon s'envole,
Porte écrit dans son aile ouverte en banderolle :
MÉLANCOLIE. Au bas, sur une meule assis,
Est un enfant dont l'œil, voilé sous de longs cils,
Laisse le spectateur dans le doute s'il veille,
Ou si, bercé d'un rêve, en lui-même il sommeille.
Voilà comme Durer, le grand maître allemand,
Philosophiquement et symboliquement,
Nous a représenté, dans ce dessin étrange,
Le rêve de son cœur sous une forme d'ange.
Notre mélancolie, à nous, n'est pas ainsi ;
Et nos peintres la font autrement. La voici :
--C'est une jeune fille et frêle et maladive,
Penchant ses beaux yeux bleus au bord de quelque rive,
Comme un wergeis-mein-nicht que le vent a courbé ;
Sa coiffure est défaite, et son peigne est tombé,
Ses blonds cheveux épars coulent sur son épaule,
Et se mêlent dans l'onde aux verts cheveux du saule ;
Les larmes de ses yeux vont grossir le ruisseau,
Et troublent, en tombant, sa figure dans l'eau.
La brise à plis légers fait voler son écharpe,
Et vibrer en passant les cordes de sa harpe ;
Un album, un roman près d'elle sont ouverts :
Car la mode la suit jusque dans ses déserts.
Notre Mélancolie est petite-maîtresse,
Elle prend des grands airs, elle fait la princesse ;
Elle met des gants blancs et des chapeaux d'Herbault ;
Elle est née, et ne voit que des gens comme il faut ;
Son groom ne pèse pas plus de soixante livres ;
C'est une Philaminte, elle lit tous les livres,
Cause fort bien musique, et peinture pas mal ;
Elle suit l'Opéra, ne manque pas un bal ;
Poitrinaire tout juste assez pour être artiste,
Elle a toujours en main un mouchoir de batiste.
On ne la verra pas enterrer tristement
Dans quelque Sierra son teint pâle et charmant,
Ses grâces de malade et ses petites mines ;
Ni sous les noirs arceaux d'un couvent en ruines,
Promener loin du bruit ses méditations :
Il faut à ses douleurs la rampe et les lampions,
Il faut que les journaux en puissent rendre compte ;
Chaque pleur de ses yeux se cristallise en conte ;
Avec chaque soupir elle souffle un roman ;
Elle meurt ; mais ce n'est que littérairement.
Un frais cottage anglais, voilà sa Thébaïde ;
Et si son front de nacre est coupé d'une ride,
Ce n'est pas, croyez-moi, qu'elle songe à la mort :
Pour craindre quelque chose elle est trop esprit fort.
Mais c'est que de Paris une robe attendue
Arrive chiffonnée et de taches perdue.
Ah ! quelle différence, et que près de ces vieux
Nous paraissons mesquins ! Le sang de nos aïeux,
Comme un vin qui s'aigrit s'est tourné dans nos veines ;
Rien ne vit plus en nous, nos amours et nos haines
Sont de pâles vieillards sans force et sans vigueur,
Chez qui la tête semble avoir pompé le cœur.
La passion est morte avec la foi ; la terre
Accomplit dans le ciel sa ronde solitaire,
Et se suspend encore aux lèvres du soleil ;
Mais le soleil vieillit, son baiser moins vermeil
Glisse sans les chauffer sur nos fronts, et ses flammes,
Comme sur les glaciers, s'éteignent sur nos âmes.
D'en-bas, le mont Gemmi vous paraît tout en feu,
Il fume, il étincelle, il est rouge, il est bleu.
Montez, vous trouverez la neige froide et blanche,
Et l'hiver grelottant qui pousse l'avalanche.
Nous sommes le Gemmi, le reflet du passé
Brille encor sur nos fronts. Ce reflet effacé,
Il ne restera plus qu'une neige incolore ;
Demain, sur le Gemmi, se lèvera l'aurore,
Les glaciers de nouveau se mettront à fumer,
Et l'incendie éteint pourra se rallumer ;
Mais, hélas ! il n'est pas pour nous d'aube nouvelle,
Et la nuit qui nous vient est la nuit éternelle.
De nos cieux dépeuplés il ne descendra pas
Un ange aux ailes d'or pour nous prendre en ses bras,
Et le siècle futur s'asseyant sur la pierre
De notre siècle, à nous, et la voyant entière,
Joyeux, ne dira pas : il est ressuscité ;
Et dans sa gloire au ciel, comme Christ remonté.

 

ET LE FILM ENTIER: