- En relation avec les langues et cultures de l'Antiquité, et dans une perspective humaniste de connaissance des sources, un choix de textes et de documents permettant de retrouver dans les œuvres antiques les racines de questions et de représentations touchant à la condition de l'homme. Le professeur choisit des œuvres ou extraits d'œuvres qui ont fait l'objet de reprises et de variations et constituent un héritage vivant à travers les siècles. Les récits de création ou fondation, les tragédies, les poèmes, mais aussi les tableaux, fresques et sculptures pourront ainsi nourrir une réflexion anthropologique que l'étude des genres de l'argumentation aura permis d'aborder selon des angles différents mais complémentaires.
Objet d’Etude nº |
La question de l'Homme dans les genres de l'argumentation du XVIème à nos jours |
Axes préconisés par le programme |
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Texte long retenu |
L’Encyclopédie, introduction et choix d’articles Collection du journal le Monde (les livres qui ont changé le monde).
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Séquence nª1 L’aristocrate : un sur-homme ?
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Problématique : Quels sont les fondements de l’aristocratie ?Comment, à travers différentes fictions (romans, théâtre) ou des essais, les écrivains se livrent-t-ils progressivement à une critique de ce statut ?
- le Cid Corneille, I, 4 ; tirade de Don Diègue à son fils Rodrigue - le Cid Corneille, II, 2 : réflexion sur l’héroïsme et la noblesse - Dom Juan, Molière, IV, 4 : tirade de Don Louis à son fils Don Juan
- Expo de la BNF sur les Lumières. http://expositions.bnf.fr/lumieres/arret/03.htm - Article « Fortune « de l’Encyclopédie ( d’Alembert)
- Article, des "Représentants", de l'Encyclopédie ( de Jaucourt)
Lectures analytiques : Vacillement du statut de la Noblesse : l’Aristocrate, au travail !
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Séquence nº2 : Réflexion sur le pouvoir (ses origines, sa légitimité)
Objet d’Etude nº4 (suite) : Réflexion sur le pouvoir (ses origines, sa légitimité) suite |
Problématique: Comment les auteurs des Lumières invitent-ils à une remise en question d’un pouvoir autoritaire abusif, qu’il soit de nature politique ou sociale, et ainsi à poser les bases d’une réflexion politique et subversive ?
Lectures analytiques :
Lectures complémentaires :
= la Fontaine, le loup et l'agneau,
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Don Diègue
Ô rage ! ô désespoir ! ô viellesse ennemie !
N'ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ?
Et ne suis-je blanchi dans les travaux guerriers
Que pour voir en un jour flétrir tant de lauriers ?
Mon bras qu'avec respect tout l'Espagne admire,
Mon bras, qui tant de fois a sauvé cet empire,
Tant de fois affermi le trône de son roi,
Trahit donc ma querelle, et ne fait rien pour moi ?
Ô cruel souvenir de ma gloire passée !
Oeuvre de tant de jours en un jour effacée !
Nouvelle dignité fatale à mon bonheur !
Précipice élevé d'où tombe mon honneur !
Faut-il de votre éclat voir triompher Le Comte,
Et mourir sans vengeance, ou vivre dans la honte ?
Comte, sois de mon prince à présent gouverneur ;
Ce haut rang n'admet point un homme sans honneur ;
Et ton jaloux orgueil par cet affront insigne
Malgré le choix du roi, m'en a su rendre indigne.
Et toi, de mes exploits glorieux instrument,
Mais d'un corps tout de glace inutile ornement,
Fer, jadis tant à craindre, et qui, dans cette offense,
M'as servi de parade, et non pas de défense,
Va, quitte désormais le derniers des humains,
Passe, pour me venger, en de meilleurs mains.
Don Rodrigue
Percé jusques au fond du coeur
D'une atteinte imprévue aussi bien que mortelle,
Misérable vengeur d'une juste querelle,
Et malheureux objet d'une injuste rigueur,
Je demeure immobile, et mon âme abattue
Cède au coup qui me tue.
Si près de voir mon feu récompensé,
Ô Dieu, l'étrange peine !
En cet affront mon père est l'offensé,
Et l'offenseur le père de Chimène !
Que je sens de rudes combats !
Contre mon propre honneur mon amour s'intéresse :
Il faut venger un père, et perdre une maitresse.
L'un m'anime le coeur, l'autre retient mon bras.
Réduit au triste choix ou de trahir ma flamme,
Ou de vire en infâme,
Des deux côtés mon mal est infini.
Ô Dieu, l'étrange peine !
Paut-il laisser un affront impuni ?
Faut-il punir le père de Chimène ?
Père, maitresse, honneur, amour,
Noble et dure contrainte, aimable tyrannie,
Tous mes plaisirs sont morts, ou ma gloire ternie.
L'un me rend malheureux, l'autre indigne du jour.
Cher et cruel espoir d'une âme généreuse,
Mais ensemble amoureuse,
Digne ennemi de mon plus grand bonheur,
Fer qui cause ma peine,
M'es-tu donné pour venger mon honneur ?
M'es-tu donné pour perdre ma Chimène ?
Il vaut mieux courir au trépas.
Je dois à ma maitresse aussi bien qu'à mon père ;
J'attire en me vengeant sa haine et sa colère ;
J'attire ses mépris en ne me vengeant pas.
À mon plus doux espoir l'un me rend infidèle,
Et l'autre indigne d'elle.
Mon mal augmente à le vouloir guérir ;
Tout redouble ma peine.
Allons, mon âme ; et puisqu'il faut mourir,
Mourons du moins sans offenser Chimène.
Mourir sans tirer ma raison !
Rechercher un trépas si mortel à ma gloire !
Endurer que l'Espagne impute à ma mémoire
D'avoir mal soutenu l'honneur de ma maison !
Respecter un amour dont mon âme égarée
Voit la perte assurée !
N'écoutons plus ce penser suborneur,
Qui ne sert qu'à ma peine.
Allons, mon bras, sauvons du moins l'honneur,
Puisqu'après tout il faut perdre Chimène.
Oui, mon esprit s'était déçu.
Je dois tout à mon père avant qu'à ma maitresse :
Que je meure au combat, ou meure de tristesse,
Je rendrai mon sang pur comme je l'ai reçu.
Je m'accuse déjà de trop de négligence ;
Courons à la vengeance ;
Et tout honteux d'avoir tant balancé,
Ne soyons plus en peine,
Puisqu'aujourd'hui mon père est l'offensé,
Si l'offenseur est le père de Chimène.
Don Rodrigue
À moi, comte, deux mots.
Le Comte
Parle.
Don Rodrigue
Ôte-moi d'un doute.
Connais-tu bien Don Diègue ?
Le Comte
Oui.
Don Rodrigue
Parlons bas ; écoute.
Sais-tu que ce vieillard fut la même vertu,
La vaillance et l'honneur de son temps ? le sais-tu ?
Le Comte
Peut-être.
Don Rodrigue
Cette ardeur que dans les yeux je porte,
Sais-tu que c'est son sang ? le sais-tu ?
Le Comte
Que m'importe ?
Don Rodrigue
À quatre pas d'ici je te le fais savoir.
Le Comte
Jeune présomptueux !
Don Rodrigue
Parle sans t'émouvoir.
Je suis jeune, il est vrai ; mais aux âmes bien nées
La valeur n'attend point le nombre des années.
Le Comte
Te mesurer à moi ! qui t'a rendu si vain,
Toi qu'on n'a jamais vu les armes à la main !
Don Rodrigue
Mes pareils à deux fois ne se font point connaître,
Et pour leurs coups d'essai veulent des coups de maître.
Le Comte
Sais-tu bien qui je suis ?
Don Rodrigue
Oui ; tout autre que moi
Au seul bruit de ton nom pourrait trembler d'effroi.
Les palmes dont je vois ta tête si couverte
Semblent porter écrit le destin de ma perte.
J'attaque en téméraire un bras toujours vainqueur,
Mais j'aurai trop de force, ayant trop de coeur.
À qui venge son père il n'est rien d'impossible.
Ton bras est invaincu, mais non pas invicible.
Le Comte
Ce grand coeur qui paraît aux discours que tu tiens
Par tes yeux, chaque jour, se découvrait aux miens ;
Et croyant voir en toi l'honneur de la Castille,
Mon âme avec plaisir te destinait ma fille.
Je sais ta passion, et suis ravi de voir
Que tous ses mouvements cèdent à ton devoir ;
Qu'ils n'ont point affaibli cette ardeur magnanime ;
Que ta haute vertu répond à mon estime ;
Et que, voulant pour gendre un cavalier parfait,
Je ne me trompais point au choix que j'avais fait.
Mais je sens que pour toi ma pitié s'intéresse ;
J'admire ton courage, et je plains ta jeunesse.
Ne cherche point à faire un coup d'essai fatal ;
Dispense ma valeur d'un combat inégal ;
Trop peu d'honneur pour moi suivrait cette victoire :
À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire.
On te croirait toujours abattu sans effort ;
Et j'aurais seulement le regret de ta mort.
Don Rodrigue
D'une indigne pitié ton audace est suivie :
Qui m'ose ôter l'honneur craint de m'ôter la vie !
Le Comte
Retire-toi d'ici.
Don Rodrigue
Marchons sans discourir.
Le Comte
Es-tu si las de vivre ?
Don Rodrigue
As-tu peur de mourir ?
Le Comte
Viens, fais ton devoir, et le fils dégénère
Qui survit un moment à l'honneur de son père.
TC4 : Dom Juan, IV, 4, Dom Juan et Don Louis
TA ( Texte analytique 1) 1 Rousseau, Emile ou de l’éducation
Vous vous fiez à l’ordre actuel de la société sans songer que cet ordre est sujet à des révolutions inévitables, et qu’il vous est impossible de prévoir ni de prévenir celle qui peut regarder vos enfants. Le grand devient petit, le riche devient pauvre, le monarque devient sujet: les coups du sort sont-ils si rares que vous puissiez compter d’en être exempt? Nous approchons de l’état de crise et du siècle des révolutions. Qui peut vous répondre de ce que vous deviendrez alors? Tout ce qu’ont fait les hommes, les hommes peuvent le détruire: il n’y a de caractères ineffaçables que ceux qu’imprime la nature, et la nature ne fait ni princes, ni riches, ni grands seigneurs. Que fera donc dans la bassesse ce satrape que vous n’avez élevé que pour la grandeur? Que fera, dans la pauvreté, ce publicain qui ne sait vivre que d’or? Que fera, dépourvu de tout, ce fastueux imbécile qui ne sait point user de lui-même, et ne met son être que dans ce qui est étranger à lui? Heureux celui qui sait quitter alors l’état qui le quitte, et rester homme en dépit du sort! Qu’on loue tant qu’on voudra ce roi vaincu qui veut s’enterrer en furieux sous les débris de son trône; moi je le méprise; je vois qu’il n’existe que par sa couronne, et qu’il n’est rien du tout s’il n’est roi: mais celui qui la perd et s’en passe est alors au-dessus d’elle. Du rang de roi, qu’un lâche, un méchant, un fou peut remplir comme un autre, il monte à l’état d’homme, que si peu d’hommes savent remplir. Alors il triomphe de la fortune, il la brave; il ne doit rien qu’à lui seul; et, quand il ne lui reste à montrer que lui, il n’est point nul; il est quelque chose. Oui, j’aime mieux cent fois le roi de Syracuse maître d’école à Corinthe, et le roi de Macédoine greffier à Rome, qu’un malheureux Tarquin, ne sachant que devenir s’il ne règne pas, que l’héritier du possesseur de trois royaumes, jouet de quiconque ose insulter à sa misère, errant de cour en cour, cherchant partout des secours, et trouvant partout des affronts, faute de savoir faire autre chose qu’un métier qui n’est plus en son pouvoir.
Rousseau, Emile ou de l’Education
I
I. Remise en cause de la situation actuelle
« vous », le « moi je » à la doxa du « on » + questions rhétoriques : « qui peut répondre de e que vous deviendrez alors ? »
Défauts organisation sociale, décision de la société de l’ancien régime en 3 ordres, « ordre actuel de la société) : tout ce qu’ont fait les hommes, l s hommes peuvent le détruire, vanité, la richesse et le prestige ne sont pas éternels.
Pour construire sa pensée, Rousseau se sert de ce retour en arrière
autre commentaire possible :
Le but : remise en cause de l’ordre social, plaidoyer pour le travail des nobles, apprendre un métier manuel, L’abolition des privilèges, piur cela
Hérités de Plutarque, Tarquin, le roi de Syracuse, etc.
"et la nature ne fait ni rois, ni..."
L’argument de la relation causale : « celui mange dans l’oisiveté … » celle-ci est rétablie et montre l’absurdité de l’absence de lien causal : il faut travailler pour manger, or, il y en a qui mangent sans travailler, ils sont donc des voleurs. une rhétorique délibérative
e. Que faut-il faire dans le futur ? un texte fondé sur l’opposition entre présent et futur ( cf l. 1-3)
II. Quel type de texte ? (un texte inclassable)
a) moraliste antique : apprentissage religieux et moraliste de l’humilité : référence à la morale chrétienne des Béatitudes ( idée que els premiers seront les denriers)fondée sur l’inversion : « heureux les pauvres, le royaume des cieux est à eux », moraliste : hérite peut-être même de Bossuet ( sermon sur le mauvais riche), ou de la bruyère : Champagne, ou sur les vaniteux, et également philosophique : Sénèque, lettres à Luculius -emprunt à l’ancienne sagesse antique, stoïcienne : supporter avec constance les coups du sort + utilisation de l’image ancienne de la roue de fortune+
b) philosophique : idées développées dans le contrat social, les notions de propriété , la place de l’homme dans la société, les écrits des lumières
c) pamphlétaire ? ressemble à la harangue, avec les questions rhétoriques, avec les insultes à peine déguisées, avec les avertissements prophétiques annonçant la ruine d’un classe sociale, et même l’encourageant.
III. Une nouvelle vision de l’homme et de la société est proposée :
A. de l’homme :
il ne doit pas se dé finir selon un avoir, ou quelque chose qui est extérieur à lui, par son état qui peut selon son expression, le « quitter », il ne veut pas de cet homme « qui ne sait point user de lui-même, et [qui] ne met son être que dans ce qui est étranger à lui » ( l. 10), autrement dit, celui qui s’appuie sur ses titres nobiliaires, sur sa célébrité + idéal de constance, adaptation au sort, humilité et courage.
Sans avoir l'honneur, Monsieur, d'être connu de vous, j'espère qu'ayant à vous offrir des excuses et de l'argent, ma lettre ne saurait être mal reçue. J'apprends que Mlle de Cléry a envoyé de Blois un panier à une bonne vieille femme, nommée Mme Levasseur, et si pauvre qu'elle demeure chez moi ; que ce panier contenait, entre autres choses, un pot de vingt livres de beurre ; que le tout est parvenu, je ne sais comment, dans votre cuisine ; que la bonne vieille, l'ayant appris, a eu la simplicité de vous envoyer sa fille, avec la lettre d'avis, vous redemander son beurre, ou le prix qu'il a coûté ; et qu'après vous être moqués d'elle, selon l'usage, vous et Mme votre épouse, vous avez, pour toute réponse, ordonné à vos gens de la chasser. J'ai tâché de consoler la bonne femme affligée, en lui expliquant les règles du grand monde et de la grande éducation ; je lui ai prouvé que ce ne serait pas la peine d'avoir des gens, s'ils ne servaient à chasser le pauvre, quand il vient réclamer son bien ; et, en lui montrant combien juste et humanité sont des mots roturiers, je lui ai fait comprendre, à la fin, qu'elle est trop honorée qu'un comte ait mangé son beurre. Elle me charge donc, Monsieur, de vous témoigner sa reconnaissance de l'honneur que vous lui avez fait, son regret de l'importunité qu'elle vous a causée, et le désir qu'elle aurait que son beurre vous eût paru bon. Que si par hasard il vous en a coûté quelque chose pour le port du paquet à elle adressé, elle offre de vous le rembourser, comme il est juste. Je n'attends là-dessus que vos ordres pour exécuter ses intentions, et vous supplie d'agréer les sentiments avec lesquels j'ai l'honneur d'être,et
Introduction :
Situation familiale de Rousseau, la famille Levasseur
Le réseau d’aides qui s’est organisé autour de sa belle famille
Les relations avec le voisinage
problématique : en quoi consiste la critique de Rousseau et quelles en sont les armes?
I. La superposition des schémas de communication
a. le trajet complexe du beurre
b. le trajet complexe de la parole
-Rouseau feint de parler au nom de la mère de Therese ,
-il s'adresse aux nobles sous le couvert de son adresse à Mme Levasseur
-Des discours enchâssés : l’utilisation du discours indirect
c. tonalité
qui commence en douceur, la captatio benvolentia et se fait de plus en plus acrebe, ce qui revient à lire le début comme une attaque masquée.
II. Le contenu notionnel :
Rousseau critique le fait que la noblesse préfère la propre qualité de noble à des qualités plus humaines, qui sont celles de la justice et de l’humanité.
a. Les valeurs soutenues par Rousseau
b. Les pratiques critiquées par lui
c. cette lettre est un reflet de ses choix theoriques et pratiques dans sa vie
III.Le mécanisme de l'ironie
a. l'antiphrase, que s'il vous en a coûté quelque chose, + excuses fournies.
b. la citation, ou polyphonie: que respect et humanité sont des mots roturiers
c. ambiguité qui peut déstabiliser l'interlocuteur.
Tu renonces à ta raison pour essayer la mienne; tu descends jusqu'à me consulter; tu me crois capable de t'instruire. Mon cher Mirza, il y a une chose qui me flatte encore plus que la bonne opinion que tu as conçue de moi: c'est ton amitié qui me la procure.
Pour remplir ce que tu me prescris, je n'ai pas cru devoir employer des raisonnements fort abstraits: il y a certaines vérités qu'il ne suffit pas de persuader, mais qu'il faut encore faire sentir. Telles sont les vérités de morale. Peut-être que ce morceau d'histoire te touchera plus qu'une philosophie subtile.
Il y avait en Arabie un petit peuple appelé Troglodyte , qui descendait de ces anciens Troglodytes qui, si nous en croyons les historiens, ressemblaient plus à des bêtes qu'à des hommes. Ceux-ci n'étaient point si contrefaits: ils n'étaient point velus comme des ours; ils ne sifflaient point; ils avaient deux yeux; mais ils étaient si méchants et si féroces qu'il n'y avait parmi eux aucun principe d'équité ni de justice.
Ils avaient un roi d'une origine étrangère, qui, voulant corriger la méchanceté de leur naturel, les traitait sévèrement. Mais ils conjurèrent contre lui, le tuèrent et exterminèrent toute la famille royale.
Le coup étant fait, ils s'assemblèrent pour choisir un gouvernement, et, après bien des dissensions, ils créèrent des magistrats. Mais, à peine les eurent-ils élus, qu'ils leur devinrent insupportables, et ils les massacrèrent encore.
Ce peuple, libre de ce nouveau joug, ne consulta plus que son naturel sauvage; tous les particuliers convinrent qu'ils n'obéiraient plus à personne; que chacun veillerait uniquement à ses intérêts, sans consulter ceux des autres.
Cette résolution unanime flattait extrêmement tous les particuliers. Ils disaient: "Qu'ai-je affaire d'aller me tuer à travailler pour des gens dont je ne me soucie point? Je penserai uniquement à moi; je vivrai heureux. Que m'importe que les autres le soient? Je me procurerai tous mes besoins, et, pourvu que je les aie, je ne me soucie point que tous les autres Troglodytes soient misérables."
On était dans le mois où l'on ensemence les terres. Chacun dit: "Je ne labourerai mon champ que pour qu'il me fournisse le blé qu'il me faut pour me nourrir; une plus grande quantité me serait inutile: je ne prendrai point de la peine pour rien."
Les terres de ce petit royaume n'étaient pas de même nature: il y en avait d'arides et de montagneuses, et d'autres qui, dans un terrain bas, étaient arrosées de plusieurs ruisseaux. Cette année, la sécheresse fut très grande, de manière que les terres qui étaient dans les lieux élevés manquèrent absolument, tandis que celles qui purent être arrosées furent très fertiles. Ainsi les peuples des montagnes périrent presque tous de faim par la dureté des autres, qui leur refusèrent de partager la récolte.
L'année d'ensuite fut très pluvieuse; les lieux élevés se trouvèrent d'une fertilité extraordinaire, et les terres basses furent submergées. La moitié du peuple cria une seconde fois famine; mais ces misérables trouvèrent des gens aussi durs qu'ils l'avaient été eux-mêmes.
Un des principaux habitants avait une femme fort belle; son voisin en devint amoureux, et l'enleva. Il s'émut une grande querelle, et, après bien des injures et des coups, ils convinrent de s'en remettre à la décision d'un Troglodyte qui, pendant que la république subsistait, avait eu quelque crédit. Ils allèrent à lui, et voulurent lui dire leurs raisons. "Que m'importe, dit cet homme, que cette femme soit à vous ou à vous? J'ai mon champ à labourer; je n'irai peut-être pas employer mon temps à terminer vos différends et à travailler à vos affaires, tandis que je négligerai les miennes. Je vous prie de me laisser en repos et de ne m'importuner plus de vos querelles." Là-dessus il les quitta et s'en alla travailler sa terre. Le ravisseur, qui était le plus fort, jura qu'il mourrait plutôt que de rendre cette femme; et l'autre, pénétré de l'injustice de son voisin et de la dureté du juge, s'en retournait désespéré, lorsqu'il trouva dans son chemin une femme jeune et belle, qui revenait de la fontaine. Il n'avait plus de femme; celle-là lui plut, et elle lui plut bien davantage lorsqu'il apprit que c'était la femme de celui qu'il avait voulu prendre pour juge, et qui avait été si peu sensible à son malheur. Il l'enleva, et l'emmena dans sa maison.
Il y avait un homme qui possédait un champ assez fertile, qu'il cultivait avec grand soin. Deux de ses voisins s'unirent ensemble, le chassèrent de sa maison, occupèrent son champ; ils firent entre eux une union pour se défendre contre tous ceux qui voudraient l'usurper; et effectivement ils se soutinrent par là pendant plusieurs mois. Mais un des deux, ennuyé de partager ce qu'il pouvait avoir tout seul, tua l'autre, et devint seul maître du champ. Son empire ne fut pas long: deux autres Troglodytes vinrent l'attaquer; il se trouva trop faible pour se défendre, et il fut massacré.
Un Troglodyte presque tout nu vit de la laine qui était à vendre; il en demanda le prix. Le marchand dit en lui-même: "Naturellement je ne devrais espérer de ma laine qu'autant d'argent qu'il en faut pour acheter deux mesures de blé; mais je la vais vendre quatre fois davantage, afin d'avoir huit mesures." Il fallut en passer par là et payer le prix demandé. "Je suis bien aise, dit le marchand; j'aurai du blé à présent. - Que dites-vous? reprit l'acheteur. Vous avez besoin de blé? J'en ai à vendre. Il n'y a que le prix qui vous étonnera peut-être: car vous saurez que le blé est extrêmement cher, et que la famine règne presque partout. Mais rendez-moi mon argent, et je vous donnerai une mesure de blé: car je ne veux pas m'en défaire autrement, dussiez-vous crever de faim."
Cependant une maladie cruelle ravageait la contrée. Un médecin habile y arriva du pays voisin et donna ses remèdes si à propos qu'il guérit tous ceux qui se mirent dans ses mains. Quand la maladie eut cessé, il alla chez tous ceux qu'il avait traités demander son salaire; mais il ne trouva que des refus. Il retourna dans son pays, et il y arriva accablé des fatigues d'un si long voyage. Mais bientôt après il apprit que la même maladie se faisait sentir de nouveau et affligeait plus que jamais cette terre ingrate. Ils allèrent à lui cette fois, et n'attendirent pas qu'il vînt chez eux. "Allez, leur dit-il, hommes injustes! Vous avez dans l'âme un poison plus mortel que celui dont vous voulez guérir; vous ne méritez pas d'occuper une place sur la terre, parce que vous n'avez point d'humanité, et que les règles de l'équité vous sont inconnues. Je croirais offenser les dieux qui vous punissent, si je m'opposais à la justice de leur colère."
D'Erzeron, le 3 de la lune de Gemmadi 2, 1711.
I une contre utopie
a. Nécessite de solidarité
b. nécessité de payer les salaires
c. le travail doit être destiné a toute sa société et pas que pour soi
Comment un homme a-t-il pu devenir le maître d’un autre homme, et par quelle espèce de magie incompréhensible a-t-il pu devenir le maître de plusieurs autres hommes ? On a écrit sur ce phénomène un grand nombre de bons volumes ; mais je donne la préférence à une fable indienne, parce qu’elle est courte, et que les fables ont tout dit.
Adimo, le père de tous les Indiens, eut deux fils et deux filles de sa femme Procriti. L’aîné était un géant vigoureux, le cadet était un petit bossu, les deux filles étaient jolies. Dès que le géant sentit sa force, il coucha avec ses deux sœurs, et se fit servir par le petit bossu. De ses deux sœurs, l’une fut sa cuisinière, l’autre sa jardinière. Quand le géant voulait dormir, il commençait par enchaîner à un arbre son petit frère le bossu ; et lorsque celui-ci s’enfuyait, il le rattrapait en quatre enjambées, et lui donnait vingt coups de nerf de bœuf.
Le bossu devint soumis et le meilleur sujet du monde. Le géant, satisfait de le voir remplir ses devoirs de sujet, lui permit de coucher avec une de ses sœurs dont il était dégoûté. Les enfants qui vinrent de ce mariage ne furent pas tout à fait bossus ; mais ils eurent la taille assez contrefaite. Ils furent élevés dans la crainte de Dieu et du géant. Ils reçurent une excellente éducation ; on leur apprit que leur grand-oncle était géant de droit divin, qu’il pouvait faire de toute sa famille ce qui lui plaisait ; que s’il avait quelque jolie nièce, ou arrière-nièce, c’était pour lui seul sans difficulté, et que personne ne pouvait coucher avec elle que quand il n’en voudrait plus.
Le géant étant mort, son fils, qui n’était pas à beaucoup près si fort ni si grand que lui, crut cependant être géant comme son père de droit divin. Il prétendit faire travailler pour lui tous les hommes, et coucher avec toutes les filles. La famille se ligua contre lui, il fut assommé, et on se mit en république.
Les Siamois, au contraire, prétendaient que la famille avait commencé par être républicaine, et que le géant n’était venu qu’après un grand nombre d’années et de dissensions ; mais tous les auteurs de Bénarès et de Siam conviennent que les hommes vécurent une infinité de siècles avant d’avoir l’esprit de faire des lois ; et ils le prouvent par une raison sans réplique, c’est qu’aujourd’hui même où tout le monde se pique d’avoir de l’esprit, on n’a pas trouvé encore le moyen de faire une vingtaine de lois passablement bonnes.
C’est encore, par exemple, une question insoluble dans l’Inde, si les républiques ont été établies avant ou après les monarchies, si la confusion a dû paraître aux hommes plus horrible que le despotisme. J’ignore ce qui est arrivé dans l’ordre des temps ; mais, dans celui de la nature, il faut convenir, que les hommes naissant tous égaux, la violence et l’habileté ont fait les premiers maîtres ; les lois ont fait les derniers.
Voltaire :
Intro : le dix huitième siècle a vu se développer de multiples essais qui prenaient des formes moins sophistiquées, plus limpides mais qui développaient davantage le modèle antique : réflexion plus simple, imagée.
Le dix huitième siècle : entre deux révolutions.montesqieu , dans ll’esprit des lois, « L’Angleterre ets à présent le plus libre ays qui soit au monde, et j en’en excepte aucune République ; j’appelle libre parce que le prince n’a le pouvoir de aire aucun tort imaginable à qio que ce soit, par la raison que son pouvoir est borné par un acte. » ( Notes de voyage en Angleterre) : » Depuis la Révolution de 1688, l’élimination du roi catholique Jacques II, le nouveau roi Guillaume d’Orange ne peut prétendre à l’absolutisme de droit divin, puisqu’il a été appelé par le parlement. L’Angleterre est en train d’installer un régime qui deviendra proprement parlementaire.
Souffraient de la censure officielle, alors qu’en fait les lumières pénétraient la ville, la cour, littérature clandestine et en plus bénéficiaient de protecteurs.
Arbitraire des lettres de cachet, emprisonnements
Fable du bossu texte 1
A . une construction stable, une argumentation claire
: le récit est encadré par des phrases plus claires au niveau conceptuel qui montrent ce que voltaire veut démontrer. » : « comment un homme a-t-il pu devenir le maître d’un autre homme » : il s’agit de la question de domination, et enfin, à la fin est énoncé clairement l’idée que la violence et les lois ont crée l’inégalité. Le rythme binaire de la dernière phrase donne à la fin du texte un caractère démonstratif irréfutable.
Même dans le reste, le vocabulaire est assez simple
B. l’agrément du récit
B.1 l’utilisation de la fable : système métaphorique, déplacement géographique, usage de la simplicité ( discours narratif à visée argumentative : apologue)
B. 2 Dimension comique :
- Caricature du bossu, des personnages, de la rapidité avec laquelle se passe l’histoire, de la simplicité des actions (assommer), utilisation des asyndètes.
C. Retournements et palinodies
C1.Retournements : les actions ne sont pas systématiques : absence de succession du pouvoir
C.2 Palinodie :
1. la fable indienne dit l’inverse de la fable siamoise
2. dit que les fables ont tout dit : peut s’entendre dans deux sens différents : ( antanaclase ) : soit elles expliquent tout, soit elles disent tout et son contraire)
II. satire du pouvoir royal :
A. Une étiologie polémique du pouvoir : qui n’est fondé que sur la force
B. une description satirique de l’exercice du pouvoir
-Indignation feinte : expression « magie incompréhensible », répétition de la question avec gradation de « un seul », puis « plusieurs hommes»
-une critique implicite de la population (qui cède à la force)
- évolution de la critique : elle concerne aussi les moyens plus raffinés de la domination, comme, l’usage des lois et de la religion, et la théorie de la royauté de droit divin.
C. un texte à clés, les idées des lumières :
- absence de force : les lettres de cachet, critique ou allusion à la révolution anglaise.
-Un texte fortement intertextuel (cf : Hobbes, selon lequel l’homme est un loup pour l’homme et le pouvoir n’a de fondement que par la force, cf :Montesquieu et Rousseau qui voudraient que les souverains se préoccupent du bien public et pas seulement de leurs biens personnels, la Boétie, qui inviterait même le peuple à se rebeller contre cette soumission servile et zélée.)
III. implications esthétiques ambigües
=>Remise en cause des discours longs et subtils des « bons volumes », remise en cause des images, utilisation de la palinodie.
=> méfiance à l’égard de la loi :
Autres plans possibles :
I. Les moyens du détournement :
a. plaisir de la fable : comique et caricature, personnages brulesques
b. variation des interprétations :du relativisme à l’article philosophique
c. le texte à clés
II. les causes diverses du pouvoir sur les hommes :
III. Le but de cet article :
TA 5Voltaire, Lettres philosophiques, LETTRE X, SUR LE COMMERCE
Depuis le malheur de Carthage, aucun peuple ne fut puissant à la fois par le commerce et par les armes jusqu’au temps où Venise donna cet exemple. Les Portugais, pour avoir passé le
cap de Bonne-Espérance, ont quelque temps été des seigneurs sur les côtes de l’Inde, et jamais redoutables en Europe. Les Provinces-Unies n’ont été guerrières que malgré elles; et ce n’est pas
comme unies entre elles, mais comme unies avec l’Angleterre, qu’elles ont prêté la main pour tenir la balance de l’Europe au commencement du xviiie siècle.
Carthage, Venise et Amsterdam; ont été puissantes; mais elles ont fait comme ceux qui, parmi nous, ayant amassé de l’argent par le négoce, achètent des terres seigneuriales. Ni
Carthage ni Venise, ni la Hollande, ni aucun peuple, n’a commencé par être guerrier, et même conquérant, pour finir par être marchand. Les Anglais sont les seuls; ils se sont battus longtemps
avant de savoir compter. Ils ne savaient pas, quand ils gagnaient les batailles d’Azincourt, de Crécy, et de Poitiers, qu’ils pouvaient vendre beaucoup de blé et fabriquer de beaux draps qui leur
vaudraient bien davantage. Ces seules connaissances ont augmenté, enrichi, fortifié la nation. Londres était pauvre et agreste lorsque Edouard III conquérait la moitié de la France. C’est
uniquement parce que les Anglais sont devenus négociants que Londres l’emporte sur Paris par l’étendue de la ville et le nombre des citoyens; qu’ils peuvent mettre en mer deux cents vaisseaux de
guerre, et soudoyer des rois alliés. Les peuples d’Écosse sont nés guerriers et spirituels: d’où vient que leur pays est devenu, sous le nom d’union, une province d’Angleterre? C’est que l’Écosse
n’a que du charbon, et que l’Angleterre a de l’étain fin, de belles laines, d’excellents blés, des manufactures, et des compagnies de commerce.
Quand Louis XIV faisait trembler l’Italie, et que ses armées, déjà maîtresses de la Savoie et du Piémont, étaient prêtes de prendre Turin, il fallut que le prince Eugène marchât du
fond de l’Allemagne au secours du duc de Savoie; il n’avait point d’argent sans quoi on ne prend ni ne défend les villes. Il eut recours à des marchands anglais: en une demi-heure de temps on lui
prêta cinq millions; avec cela il délivra Turin, battit les Français et écrivit à ceux qui avaient prêté cette somme ce petit billet: « Messieurs, j’ai reçu votre argent, et je me flatte de
l’avoir bien employé à votre satisfaction. »
Tout cela donne un juste orgueil à un marchand anglais, et fait qu’il ose se comparer, non sans quelque raison, à un citoyen romain. Aussi le cadet d’un pair du royaume ne dédaigne
point le négoce. Milord Townshend, ministre d’État, a un frère qui se contente d’être marchand dans la Cité. Dans le temps que milord Orford gouvernait l’Angleterre, son cadet était facteur à
Alep, d’où il ne voulut pas revenir, et où il est mort.
Cette coutume, qui pourtant commence trop à se passer, paraît monstrueuse à des Allemands entêtés de leurs quartiers; ils ne sauraient concevoir que le fils d’un pair d’Angleterre
ne soit qu’un riche et puissant bourgeois, au lieu qu’en Allemagne tout est prince; on a vu jusqu’à trente altesses du même nom n’ayant pour tout bien que des armoiries et une noble fierté.
En France, est marquis qui veut; et quiconque arrive à Paris du fond d’une province avec de l’argent à dépenser, et un nom en ac ou en ille, peut dire: Un homme comme moi, un homme
de ma qualité, et mépriser souverainement un négociant. Le négociant entend lui-même parler si souvent avec dédain de sa profession qu’il est assez sot pour en rougir; je ne sais pourtant lequel
est le plus utile à un État, ou un seigneur bien poudré qui sait précisément à quelle heure le roi se lève, à quelle heure il se couche, et qui se donne des airs de grandeur en jouant le rôle
d’esclave dans l’antichambre d’un ministre, ou un négociant qui enrichit son pays, donne de son cabinet des ordres à Surate et au Caire, et contribue au bonheur du monde.
Voltaire
Quand j'accorderais tout ce que j'ai réfuté jusqu'ici, les fauteurs du despotisme n'en seraient pas plus avancés. Il y aura toujours une grande différence entre soumettre une multitude et régir une société. Que des hommes épars soient successivement asservis à un seul, en quelque nombre qu'ils puissent être, je ne vois là qu'un maître et des esclaves, je n'y vois point un peuple et son chef: c'est, si l'on veut, une agrégation, mais non pas une association; il n'y a là ni bien public, ni corps politique. Cet homme, eût-il asservi la moitié du monde, n'est toujours qu'un particulier; son intérêt, séparé de celui des autres, n'est toujours qu'un intérêt privé. Si ce même homme vient à périr, -son empire, après lui, reste épars et sans liaison, comme un chêne se dissout et tombe en un tas de cendres, après que le feu l'a consumé.
Je viens de voir un homme qui attendait un grand seigneur dans sa salle ; je l’examinais parce que je lui trouvais un air de probité, mêlé d’une tristesse timide ; sa physionomie et les chagrins que je lui supposais m’intéressaient en sa faveur. Hélas ! disais-je en moi-même, l’honnête homme est presque toujours triste, presque toujours sans biens, presque toujours humilié ; il n’a point d’amis, parce que son amitié n’est bonne à rien ; on dit de lui : c’est un honnête homme, mais ceux qui le disent le fuient, le dédaignent, le méprisent, rougissent même de se trouver avec lui ; et pourquoi ? C’est qu’il n’est qu’estimable.
En faisant cette réflexion, je voyais dans la même salle des hommes d’une physionomie libre et hardie, d’une démarche ferme, d’un regard brusque et aisé ; je leur devinais un cœur dur, à travers l’air tranquille et satisfait de leur visage ; il n’y avait pas jusqu’à leur embonpoint qui ne me choquât (…)L’or et l’argent brille sur les habits de [celui-ci]. Ne rougit-il pas d’étaler sur lui plus de biens que je n’ai de revenu ? Non, disais-je, il n’en rougit point.
C’était donc dans de pareilles pensées que je m’amusais avec moi-même, quand le grand seigneur vint dans sa salle. L’homme pour qui je m’intéressais, ne se présenta à lui que le dernier. Sa discrétion n’était pas sans mystère ; c’était que son visage indigent n’était pas de mise avec les gens heureux.
Enfin, il s’avança, mais le grand seigneur sortait déjà de la salle quand il l’aborda. Il le suivit donc du mieux qu’il put, car l’autre marchait à grands pas ; je voyais mon homme essoufflé tâcher de vaincre, à force de poitrine, la difficulté de s’exprimer en marchant trop vite ; mais il avait beau faire, il articulait fort mal. Quand on demande des grâces aux puissants de ce monde, et qu’on a le cœur bien placé, on a toujours l’haleine courte.
Marivaux,
Le spectateur français,
Si j’avais à soutenir le droit que nous avons eu de rendre les nègres esclaves, voici ce que je dirais :
Les peuples d'Europe ayant exterminé ceux de l'Amérique, ils ont dû mettre en esclavage ceux de l'Afrique, pour s’en servir à défricher tant de terres.
Le sucre serait trop cher, si l'on ne faisait travailler la plante qui le produit par des esclaves.
Ceux dont il s'agit sont noirs depuis les pieds jusqu'à la tête ; et ils ont le nez si écrasé qu'il est presque impossible de les plaindre.
On ne peut se mettre dans l'esprit que Dieu, qui est un être très sage, ait mis une âme, surtout bonne, dans un corps tout noir.
Il est si naturel de penser que c’est la couleur qui constitue l'essence de l’humanité, que les peuples d'Asie, qui font les eunuques, privent toujours les noirs du rapport qu'ils ont avec nous d'une façon plus marquée.
On peut juger de la couleur de la peau par celle des cheveux, qui, chez les Égyptiens, les meilleurs philosophes du monde, étaient d'une si grande conséquence, qu'ils faisaient mourir tous les hommes roux qui leur tombaient entre les mains.
Une preuve que les nègres n'ont pas le sens commun, c'est qu'ils font plus de cas d'un collier de verre que de l'or, qui, chez les nations policées, est d'une si grande conséquence.
Il est impossible que nous supposions que ces gens-là soient des hommes ; parce que, si nous les supposions des hommes, on commencerait à croire que nous ne sommes pas nous-mêmes chrétiens.
De petits esprits exagèrent trop l'injustice que l'on fait aux Africains. Car, si elle était telle, qu'ils le disent, ne serait-il pas venu dans la tête des princes d'Europe, qui font entre eux tant de conventions, d'en faire une générale en faveur de la miséricorde et de la pitié ?
MONTESQUIEU, De l’esprit des Lois, XV, 5 (1748)
texte 1 : Emile ou l'éducation
I. Un texte argumentatif
Le but : remise en cause de l’ordre social, plaidoyer pour le travail des nobles, apprendre un métier manuel, L’abolition des privilèges
L’argument de la relation causale : « celui mange dans l’oisiveté … » celle-ci est rétablie et montre l’absurdité de l’absence de lien causal : il faut travailler pour manger, or, il y en a qui mangent sans travailler, ils sont donc des voleurs
D. une rhétorique délibérative
Que faut-il faire dans le futur ? un txete fondé sur l’opposition entre présent et futur ( cf l. 1-3)
II. Quel type de texte ? (un texte inclassable)
- moraliste antique : apprentissage religieux et moraliste de l’humilité : référence à la morale chrétienne des Béatitudes ( idée que els premiers seront les denriers)fondée sur l’inversion : « heureux les pauvres, le royaume des cieux est à eux », moraliste : hérite peut-être même de Bossuet ( sermon sur le mauvais riche), ou de la bruyère : Champagne, ou sur les vaniteux, et également philosophique : Sénèque, lettres à Luculius -emprunt à l’ancienne sagesse antique, stoïcienne : supporter avec constance les coups du sort + utilisation de l’image ancienne de la roue de fortune+
-
- philosophique : idées développées dans le contrat social, les notions de propriété , la place de l’homme dans la société, les écrits des lumières
- pamphlétaire ? ressemble à la harangue, avec les questions rhétoriques, avec les insultes à peine déguisées, avec les avertissements prophétiques annonçant la ruine d’un classe sociale, et même l’encourageant.
III. Une nouvelle vision de l’homme et de la société est proposée :
A. de l’homme : il ne doit pas se dé finir selon un avoir, ou quelque chose qui est extérieur à lui, par son état qui peut selon son expression, le « quitter », il ne veut pas de cet homme « qui ne sait point user de lui-même, et [qui] ne met son être que dans ce qui est étranger à lui » ( l. 10), autrement dit, celui qui s’appuie sur ses titres nobiliaires, sur sa célébrité + idéal de constance, adaptation au sort, humilité et courage.
B. de l’homme dans la société : l’homme ne doit pas profiter des avantages dont il bénéficie dans la société, mais fournir à la société sa part de travail, étant donné qu’il va aussi profiter des biens qu’elle lui fournit. La société est donc considérée comme un lieu où sont mis en commun les biens et vers laquelle sont dédiés tous les efforts. l’homme se définit donc par rapport à son utilité à al société, mais loin d’une gloire inutile et fragile.
C. du rôle de la transmission : les parents ne doivent plus transmettre un capital et des avantages, mais orienter leurs enfants vers un savoir faire
Plutarque donne dans ses Vies parallèles une brève description du règne de Tarquin le Superbe dans l'introduction au livre consacré à Publicola et aux évènements qui marquèrent la fin de la royauté et le début de la république.
« Tarquin le Superbe n'avait pas acquis le pouvoir par des voies honorables, mais au mépris de la piété et des lois ; il ne l'exerça pas comme doit le faire un roi, mais avec l'insolence d'un tyran. Le peuple le trouvait odieux et détestable ; il prit occasion, pour se révolter, du malheur subi par Lucrèce, laquelle avait été violée et s'était suicidée. Lucius Brutus, qui avait décidé de changer de régime politique, alla aussitôt trouver Valérius, et avec son soutien le plus ardent, il chassa les rois. »
— Plutarque, Vies parallèles, Publicola, I, 323
Introduction :
Situation familiale de Rousseau, la famille Levasseur
Le réseau d’aides qui s’est organisé autour de sa belle famille
Les relations avec le voisinage
problématique : en quoi consiste la critique de Rousseau et quels en sont les procédés?
I. La superposition des schémas de communication
a. le trajet complexe du beurre
crée une confusion entre les destinateurs et les destinataires
b. le trajet complexe de la parole
-Rouseau feint de parler au nom de la mère de Therese ,
-il s'adresse aux nobles sous le couvert de son adresse à Mme Levasseur
-Des discours enchâssés : l’utilisation du discours indirect
c. une expression complexe des tonalités
-qui commence en douceur, la captatio benvolentia et se fait de plus en plus acrebe, ce qui revient à lire le début comme une attaque masquée.
-tonalité pathétique : "la pauvre femme, affligée"
- tonalité polémique : selon l'usage: insulte
- retour a une politesse mensongère : l.17 -18
toutes ce tonalites nous montrent que le texte a plusieurs niveaux de lectures, en effet l'interet de la lettre repose sur le mécanisme de l'rinoie que nous....
II. Le mécanisme de l'ironie
a. l'antiphrase, que s'il vous en a coûté quelque chose, + excuses fournies.
la ligne 1 et 2. a la ligne 18
b. la citation, ou polyphonie: que respect et humanité sont des mots roturiers
c. ambiguité qui peut déstabiliser le destinataire.
III. Le contenu notionnel :
Rousseau critique le fait que la noblesse préfère la propre qualité de noble à des qualités plus humaines, qui sont celles de la justice et de l’humanité.
a. Les valeurs soutenues par Rousseau
b. Les pratiques critiquées par lui
c. cette lettre est un reflet de ses choix theoriques et pratiques dans sa vie: comment etre proche du peuple, leur envoyer du beurre ou parler en leur nom?
La succession des concernés : s’il est vrai que thérèse n’a pas réussi à lui faire rndre le beuure, c’et parce qu’elle ne maîtrise pas les règles du grand monde et du langage. On voit se dessiner en creux une différence entre l’attitude simple et soumise de thérèse, et celle vindicative et assurée de rousseau.
La façon rousseau présente les choses est d’autant plus cinglante qu’il englobe un persoannge particulier dans l’ensemble d’une classe sociale, qui partagerait ainsi ses travers.
Autre façon de présenter révoltante : Il explique que cette pratique, qui aurait pu être le résultat d’une erreur, est seulement l’application des préceptes injuste de ce monde , fondés sur l’inégalité, l’orgueil attaché à leur caste et les mépris des autres besoins des autres.
Il ne s’agit donc pas pour rousseau d’une simple erreur ;d’un malentendu, cette pratique ets la conséquence directe de la manière de penser du grand monde. Aisni, à partir d’un événement unique , il en déduit toute une série de remarques générales sur le fonctionneent d’une société. Là où il n’y aqu’une injustice entre deux personnes, il l’étend à un nombre indéterminé de personnes. Thérèse, ou encore sa mère, deviennt ainsi représentatives du « pauvre ». les gens, c’est-à-dire les domestiques deviennent des émissaires de l’injustice, auquels les nobles communiquent exprès leur mépris.
Mais à part cette généralisation, la présentation de rousseau est implacable : on ne peut bien sûr pas , par exemple, contredire le fait que cette « pauvre » en question est venue réclamer son bien.
Les marques d’hyperbole qui fondent l’ironie « elle est trop » honoré qu’un comte ait mangé son beurre » : le procédé est le suivant : en reprenant la parole de l’autre , de l’ennemi, en l’incluant dans sa propore parole, on la déforme. Cela permet d’enlever toute crédibilté à la parole de l’autre en montrant combien elle est absurde.
La délégation de parole : les termes introductifs de discors explicatifs : « je lui ai prouvé que » j’ai tâché de la consoler »
Pour expliciter le temre de grand monde et de grande éducation , l’on pourrait dire que les nobles ont pour pratique de ne daigner prêter l’oreille ( respecter) que ceux qui sont de leur classe et de leur milieu.
L’accusation se résorbe en persiflage :
Contrairement à un jugement, rousseau donne une suite imprévue à son réquisitoire :au lieu de demander une rétribution, une compensation, un dédommagement, il fait comme si la faute venait de sa part (il est en quelques sortes entraîné par son propre discours antiphrastique) : au lieu de demander un dédommagement, c’est donc lui qui l’offre.
Ce faisant, il accable , écrase le destinataire de honte par sa bienveillance feinte. Il y a donc un contraste entre le contenu de la lettee : une forte accusation contre l’égoîsme et le mépris de personnes comme lui, et en contrepartie, dans les faits, l’offre de l’argent et d’excuses, en inversant les rôles, il place le comte en porte à faux : pousse jsuqu’au bout l’injustice, il lui montre en effet à quel degré d’absurdité l’on pourrait aboutir si l’on allait dans le sens de personnes comme cela. Cette pratique vise à modifier le point de vue du comte : celui-ci osera-t-il accepter l’argent, par exemple ? cette offre peut aussi s’inscrire dans la lignée de ses propos ironiques, dans la mesure où cette offre d’excuses et d’argent est qulifiée de « juste » « comme il est juste »
Intro : le dix huitième siècle a vu se développer de multiples essais qui prenaient des formes moins sophistiquées, plus limpides mais qui développaient davantage le modèle antique : réflexion plus simple, imagée.
Le dix huitième siècle : entre deux révolutions.montesqieu , dans ll’esprit des lois, « L’Angleterre ets à présent le plus libre ays qui soit au monde, et j en’en excepte aucune République ; j’appelle libre parce que le prince n’a le pouvoir de aire aucun tort imaginable à qio que ce soit, par la raison que son pouvoir est borné par un acte. » ( Notes de voyage en Angleterre) : » Depuis la Révolution de 1688, l’élimination du roi catholique Jacques II, le nouveau roi Guillaume d’Orange ne peut prétendre à l’absolutisme de droit divin, puisqu’il a été appelé par le parlement. L’Angleterre est en train d’installer un régime qui deviendra proprement parlementaire.
Souffraient de la censure officielle, alors qu’en fait les lumières pénétraient la ville, la cour, littérature clandestine et en plus bénéficiaient de protecteurs.
Arbitraire des lettres de cachet, emprisonnements
Fable du bossu texte 1
A . une construction stable, une argumentation claire
: le récit est encadré par des phrases plus claires au niveau conceptuel qui montrent ce que voltaire veut démontrer. » : « comment un homme a-t-il pu devenir le maître d’un autre homme » : il s’agit de la question de domination, et enfin, à la fin est énoncé clairement l’idée que la violence et les lois ont crée l’inégalité. Le rythme binaire de la dernière phrase donne à la fin du texte un caractère démonstratif irréfutable.
Même dans le reste, le vocabulaire est assez simple
B. l’agrément du récit
B.1 l’utilisation de la fable : système métaphorique, déplacement géographique, usage de la simplicité ( discours narratif à visée argumentative : apologue)
B. 2 Dimension comique :
- Caricature du bossu, des personnages, de la rapidité avec laquelle se passe l’histoire, de la simplicité des actions (assommer), utilisation des asyndètes.
C. Retournements et palinodies
C1.Retournements : les actions ne sont pas systématiques : absence de succession du pouvoir
C.2 Palinodie :
1. la fable indienne dit l’inverse de la fable siamoise
2. dit que les fables ont tout dit : peut s’entendre dans deux sens différents : ( antanaclase ) : soit elles expliquent tout, soit elles disent tout et son contraire)
3. Ainsi, il fait croire que tout s’explique avec des fables, mais en fait c’ets sans les fables qu’il explique le plus clairement possible ce qu’il veut démontrer , ainsi se termine par un refus de l’explication étiologique et temporelle « j’ignore ce qui est arrivé dans l’ordre des temps » : ( se moque de la construction temporelle de l’état de nature chez Rousseau), puisqu’il propose in fine un autre ordre, celui de la nature, « les hommes naissent tous égaux » : ainsi le texte est contradictoire parce qu’il semble faire l’éloge d’un mode d’explication, qu’il rejette ensuite plus ou moins, puisque le présupposé (tous les hommes sont égaux ) n’a pas fait l’objet d’une démonstration, il est considéré comme acquis.
II. satire du pouvoir royal :
A. Une étiologie polémique du pouvoir : qui n’est fondé que sur la force
B. une description satirique de l’exercice du pouvoir
-Indignation feinte : expression « magie incompréhensible », répétition de la question avec gradation de « un seul », puis « plusieurs hommes»
-une critique implicite de la population (qui cède à la force)
- évolution de la critique : elle concerne aussi les moyens plus raffinés de la domination, comme, l’usage des lois et de la religion, et la théorie de la royauté de droit divin.
C. un texte à clés, les idées des lumières :
- absence de force : les lettres de cachet, critique ou allusion à la révolution anglaise.
-Un texte fortement intertextuel (cf : Hobbes, selon lequel l’homme est un loup pour l’homme et le pouvoir n’a de fondement que par la force, cf :Montesquieu et Rousseau qui voudraient que les souverains se préoccupent du bien public et pas seulement de leurs biens personnels, la Boétie, qui inviterait même le peuple à se rebeller contre cette soumission servile et zélée.)
III. implications esthétiques ambigües
a. Réflexion sur la parole et la loi
=>Remise en cause des discours longs et subtils des « bons volumes », remise en cause des images, utilisation de la palinodie.
=> méfiance à l’égard de la loi :
b. Confiance apportée au rôle de l’image : cf Alain Boissinot : « dans le texte argumentatif, la métaphore n’est ni ornementale, ni poétique, elle est un outil essentiel de l’argumentation » : ici, la simplicité des actions du géant montre aussi celle du vrai roi.
c. => mais aussi finalement , rejet de l’image pour l’utilisation de la parole d’autrui comme axiome: « les hommes naissant tous égaux » : retour de la philosophie conceptuelle et des présupposés.
d. Le féérique au service d’une interrogation ( cf le conte philosophique) le narrateur se met ici dans une posture d’étonnement, qui lui donne une fausse innocence.
Autres plans possibles :
I. Les moyens du détournement :
a. didactique de la fable : comique et caricature
b. variation des interprétations :du relativisme à l’article philoisophique
c. le texte à clés
II.L’évolution de la critique du pouvoir:
a. par la force,
b. par la religion,
c. par les mauvaises lois
III. Le but de cet article :
a. instruire et plaire,
b. satirique, comiques)
c. entrer en concurrence ou en résonance avec d’autres pensées philosophiques,