Séquence 3 : objet d'étude 2 : la question de l'homme dans les genres de l'argumentation
Extrait 1
La découverte du Nouveau Monde en 1492 et celle de populations jusque-là ignorées donnent l’occasion à Montaigne de s’interroger sur le sens du mot « barbare ».
Livre I , chapitre 31 « Des cannibales » ( extrait : orthographe modernisée)
Or je trouve , pour revenir à mon propos, qu’il n’y a rien de barbare et de sauvage en cette nation , à ce qu’on m’en a rapporté ; sinon que, chacun appelle barbarie ce qui n’est pas de son usage ; comme de vrai, il semble que nous n’avons d’autre mire (1)de la vérité et de la raison que l’exemple et l’idée des opinions et usances (2) du pays où nous sommes. Là est toujours la parfaite religion, la parfaite police, (3) parfait et accompli usage de toutes choses. Ils sont sauvages de même que nous appelons sauvages les fruits que nature, de soi et de son progrès ordinaire, a produits : là où , à la vérité , ce sont ceux que nous avons altérés par notre artifice, (4 ) et détournés de l’ordre commun, que nous devrions plutôt appeler sauvages. En ceux là sont vives et vigoureuses les vraies et plus utiles et naturelles vertus et propriétés, lesquelles nous avons abâtardies (5) en ceux-cy, et les avons seulement accommodées au plaisir de notre goût corrompu. Et si pourtant,(6) la saveur même et délicatesse se trouve à notre goût excellente, à l’envi des nôtres,(7) en divers fruits de ces contrées là sans culture. Ce n’est pas raison (8) que l’art gagne le point d’honneur sur notre grande et puissante mère Nature. Nous avons tant rechargé la beauté et richesse de ses ouvrages par nos inventions, que nous l’avons du tout étouffée. Si est-ce que (9) , partout où sa pureté reluit, elle fait merveilleuse honte à nos vaines et frivoles entreprises
Notes :
1. instrument de réglage optique, ici « critère »
2. usages
3. institution, forme de gouvernement
4. technique
5. corrompues, détérioréés
6. « Si » a le sens de « pourtant » : il y a redoublement du sens
7. Capables de concurrencer les nôtres.
8. Il n’y a pas de raison pour que…
9. Pourtant
Extrait 2 : supplément au voyage de Bougainville : Diderot
Puis s'adressant à Bougainville, il ajouta : "Et toi, chef des brigands qui t'obéissent, écarte promptement ton vaisseau de notre rive : nous sommes innocents, nous sommes
heureux ; et tu ne peux que nuire à notre bonheur. Nous suivons le pur instinct de la nature ; et tu as tenté d'effacer de nos âmes son caractère. Ici tout est à tous ; et tu nous
as prêché je ne sais quelle distinction du tien et du mien. Nos filles et nos femmes nous sont communes ; tu as partagé ce privilège avec nous ; et tu es venu allumer en elles des
fureurs inconnues. Elles sont devenues folles dans tes bras ; tu es devenu féroce entre les leurs. Elles ont commencé à se haïr ; vous vous êtes égorgés pour elles ; et elles nous
sont revenues teintes de votre sang. Nous sommes libres ; et voilà que tu as enfoui dans notre terre le titre de notre futur esclavage. Tu n'es ni un dieu, ni un démon : qui es-tu donc,
pour faire des esclaves ? 0rou ! toi qui entends la langue de ces hommes-là, dis-nous à tous, comme tu me l'as dit à moi-même, ce qu'ils ont écrit sur cette lame de métal : Ce pays
est à nous. Ce pays est à toi ! et pourquoi ? parce que tu y as mis le pied ? Si un Tahitien débarquait un jour sur vos côtes, et qu'il gravât sur une de vos pierres ou sur
l'écorce d'un de vos arbres : Ce pays est aux habitants de Tahiti, qu'en penserais-tu ? Tu es le plus fort ! Et qu'est-ce que cela fait ? Lorsqu'on t'a enlevé une des
méprisables bagatelles dont ton bâtiment est rempli, tu t'es récrié, tu t'es vengé ; et dans le même instant tu as projeté au fond de ton cœur le vol de toute une contrée ! Tu n'es pas
esclave : tu souffrirais plutôt la mort que de l'être, et tu veux nous asservir ! Tu crois donc que le Tahitien ne sait pas défendre sa liberté et mourir ? Celui dont tu veux
t'emparer comme de la brute, le Tahitien est ton frère.
Vous êtes deux enfants de la nature ; quel droit as-tu sur lui qu'il n'ait pas sur toi ? Tu es venu ; nous sommes-nous jetés sur ta personne ? avons-nous pillé ton
vaisseau ? t'avons-nous saisi et exposé aux flèches de nos ennemis ? t'avons-nous associé dans nos champs au travail de nos animaux ? Nous avons respecté notre image en toi. Laisse
nous nos mœurs ; elles sont plus sages et plus honnêtes que les tiennes ; nous ne voulons point troquer ce que tu appelles notre ignorance, contre tes inutiles lumières. Tout ce qui
nous est nécessaire et bon, nous le possédons.
Sommes-nous dignes de mépris, parce que nous n'avons pas su nous faire des besoins superflus ? Lorsque nous avons faim, nous avons de quoi manger ; lorsque nous avons froid, nous avons
de quai nous vêtir. Tu es entré dans nos cabaties, qu'y manque-t-il, à ton avis ? Poursuis jusqu'où tu voudras ce que tu appelles commodités de la vie ; mais permets à des êtres sensés
de s'arrêter, lorsqu'ils n'auraient à obtenir, de la continuité de leurs pénibles efforts, titre des biens imaginaires. Si tu nous persuades de franchir l'étroite limite du besoin, quand
finirons-nous de travailler ? Quand jouirons-nous ? Nous avons rendu la somme de nos fatigues annuelles et journalières la moindre qu'il était possible, parce que rien ne nous paraît
préférable au repos. Va dans ta contrée t'agiter, te tourmenter tant que tu voudras ; laisse-nous reposer : ne nous entête là de tes besoins factices, ni de tes vertus
chimériques.
Supplément au voyage de
Bougainville (extrait) –
Diderot
Extrait 3 : Montaigne, des coches, Essais, III,
En navigant le long des côtes à la recherche de leurs mines (d’or), quelques Espagnoles prirent terre en une contrée fertile et agréable, fort habitée et ils firent à ce peuple leurs déclarations habituelles: « qu’ils étaient des gens paisibles, arrivant après e longs voyages, envoyés de la part du roi de castille, le plus grand prince de la terre habitable, auquel le pape, représentant de dieu ur la terre, avait donné la principauté de toutes les Indes ; que s’ils voulaient être tributaires de ce roi, ils seraient traités avec beaucoup de bienveillance; ils leurs demanderaient des vivres pour leur nourriture et de l’or dont ils avaient besoin pour quelque médicament ; ils leur faisaient connaître au demeurât la croyance en un seul Dieu et la vérité de notre religion qu’ils leur conseillaient d’accepter, ajoutant quelques menace sà ce conseil. » La réponse fut telle: « Que, pour ce qui est d’être des gens paisibles, ils n’en portaient pas la mine, s’ils l’étaient ; quant à leur roi, puisqu’il demandait, il devait être indigent et ,nécessiteux, et celui ui avait fait cette distribution ( de territoires) devait être un homme aimant la dissension puisqu’il donnait ainsi à un tiers une chose qui n’était pas sienne pour pour le mettre en conflit avec ses anciens possesseurs; quant aux vivres, ( ils dirent ) qu’ils leur en fourniraient; de l’or, qu’ils en avaient peu et ( ils ajoutèrent) que c’était une chose qu’ils ne tenaient en nulle estime parce qu’elle était inutile au service de leur vie tandis que tout leur souci visait seulement à la passer heureusement et agréablement ; pour cette raison, ce qu’ils en pourraient trouver , sauf ce qui était employé pour le service de leurs dieux, qu’ils le prissent sans hésiter ; quant au Dieu unique, ( ils dirent que) l’idée leur en avait plu mais qu’ils ne voulaient pas changer leur religion après s’en être servi si utilement pendant longtemps et q ‘ils avaient l’habitude de ne prendre conseil que de leurs amis et connaissances ; quant aux menaces, c’était un signe de manque de jugement que d’aller menacer des gens dont la nature et les forces ( guerrières) leu étaient inconnues ; ans ces conditions, qu’ils se dépêchassent - et promptement- de quitter leurs pays car ils n’avaient pas l’habitude de prendre du bon côté les civilités et les déclarations de gens armés et étrangers ; autrement, on ferait d’eux comme de ces autres, et ils leur montraient des têtes de certains hommes exécutés, autour de leur ville. » Voilà un exemple des balbutiements de ces prétendus enfants.
Explication texte 3 :
« En navigant le long des côtes à la recherche de leurs mines.. =>témoin mes cannibales. »
A la Renaissance, les expéditions maritimes apportent aux Européens la connaissance d'autre hommes et d'autre modes de vie: qui sont les vrais Sauvages ?
Introduction : Auteur humaniste du seizième siècle, Montaigne saisit l'occasion de la découverte d'un Nouveau Monde, à peine un siècle plus tôt; pour s'interroger sur la nature humaine et sur la nature particulière de la relation entre les colons Espagnols et les Indiens d'Amérique. Il développe un point de vue étonnamment moderne pour un homme de cette époque car il ne se laisse pas aveugler par les préjugés et n'hésite pas à remettre en cause certains éléments constitutifs de la civilisation occidentale. D'ailleurs l'écriture des Essais et le choix de cette forme qui allie esprit scientifique et volonté d'introspection; témoigne bien de cet élan pour se démarquer des traditions. En imaginant, dans cet extrait, une rencontre entre des colons espagnols fourbes et des Indiens clairvoyants, l'écrivain oppose ainsi , en augmentant le contraste, deux systèmes de pensée; Quelle est ici sa stratégie argumentative ?
Dans un premier temps, nous étudierons la mise en scène de cette rencontre et les détails réalistes qui authentifient le récit. Ensuite nous montrerons comment Montaigne utilise l'opposition entre les arguments fallacieux des Espagnols et la lucidité des Indiens; Nous terminerons cette étude en évoquant le caractère inévitable de la guerre et la remise en cause profonde de la légitimité même de la colonisation. (annonce de plan)
Partie 1 les détails "réalistes"
Le scénario inventé par Montaigne est élaboré à partir de témoignages et se réfère à des situations vécues , relatées par les marins et leurs récits de voyage. Comme l'indique la première ligne du passage, il s'agit , en effet d'une expédition maritime : " en naviguant le long des côtes à la recherche de leurs mines.." . Il semble bien d'ailleurs que ce soit la cupidité qui pousse les marins à s'aventurer jusqu'à cette contrée "fertile et agréable, fort habitée"; la rencontre se déroule selon un certain protocole ; les Espagnols cherchent à amadouer les Indiens et à obtenir de la nourriture et de l'or et ne se montrent menaçants que lorsqu'il s'agit d'aborder le sujet de la religion; L'humour de l'auteur se teinte d'ironie quand il affirme ligne 11: "ils leur conseillaient d'accepter; ajoutant quelques menaces à ce conseil." On peut aisément comprendre que le mot conseil est ici une forme de tentative d'intimidation et qu'on doit sans doute faire peur aux Indiens en leur expliquant ce qui les attend s'ils refusent de se convertir au catholicisme. Un autre procédé qui contribue à authentifier les propos lus par le lecteur, c'est l'usage du style direct; Montaigne fait comme s'il s'agissait de paroles ayant été réellement prononcées par les personnages . Selon le même procédé , le discours des Indiens et leurs répliques sont traduits soit par du style direct comme ligne 11 à 31, parfois associé à des verbe introducteurs qui renvoient à des paroles rapportées : " il dirent, ils ajoutèrent. Ces techniques visent toutes à donner un aspect authentique à cette scène afin d'en accroître la portée. Un autre détail réaliste consiste à évoquer la cupidité des colons à la recherche des mines d'or (l1) des Indigènes; Montaigne dévoilerai la véritable raison de la colonisation: le goût immodéré de l'or; Cette cupidité sera d'ailleurs dénoncée dan sale réquisitoire de l'Indigène contre l'attrait de l'or: Ce dernier affirme que l'or est méprisé car "tenu comme inutile au service de leur vie" ;(19) Ce trait contribue à opposer très fortement Espagnols et Indiens. C'est sur cette opposition que se construit l'argumentation.
Partie 2. Une opposition nettement marquée
Montaigne ne se contente pas seulement de mettre en scène de manière imagée son argumentation, il utilise , pour ce faire, un contraste entre le discours mensonger des Espagnols et les arguments convaincants des colons. Chaque argument avancé par les colons est aussitôt repris et contredit de manière rationnelle par les Indiens. Leur sens de l'observation leur permet ainsi de contredire le soi-disant caractère de "gens paisibles" allégué par les colons à la ligne 3; Comme le remarquent les Indiens , leur attitude dément cette allégation : " ils n'en portaient pas la mine" trouve-t-on à la ligne 12. Et un autre détail renforcera cette hypothèse : ils sont "armés" (l 29). Alors que les Espagnols prétendent qu'is sont envoyés par leur roi qui a reçu du pape "la principauté de toutes les Indes " (l 6), les Indiens rappellent que cette façon de revendiquer , selon un droit religieux, leurs terres, va inévitablement être une source de "dissension" . Ce reproche peut se lire comme une critique du pouvoir religieux , représenté dans le texte par l'autorité du Pape, chef de l'Eglise catholique et représentant de Dieu sur terre (l 5); Les indigènes se pensent, à juste titre, possesseurs de la terre où ils vivent et ils récusent les titres de propriété que vont leur présenter les colons. De nombreux conflits vont ainsi découler de cette situation: les Indiens refuseront ,pour la plupart ,que les occidentaux prennent possession de territoires qui sont déjà occupés par des populations qu'ils vont s'efforcer de soumettre. Montaigne n'hésite pas à se montrer caustique dans son argumentation; Ainsi, il fait dire aux Indiens que leur "roi devait être indigent et nécessiteux" pour oser réclamer des choses qui ne lui appartiennent pas; c'est qu'il en a fort besoin et cela peut apparaître comme une critique de la complicité du roi dans le processus de colonisation. L'argumentation des Indien ses base sur des liens logiques indiscutables; ils répondent point par point (quant aux menaces,quant au Dieu unique..en indiquant les causes de leur refus : "pour cette raison, l 20; Leurs arguments sont donc parfaitement recevables ce qui contribue, de ce fait, à discréditer davantage la position des Espagnols et leurs mensonges.
Partie 3 : la dimension polémique ; un texte qui remet en cause les fondements même de la colonisation
Dès le début du texte, le lecteur découvre l'hypocrisie des colons; L'adjectif habituelles qui caractérise ici, à la ligne 3, les déclarations hypocrites car faussement bienveillantes des colons, marque leur duplicité ; ils sont donc coutumiers du fait et passent ainsi pour de sordides menteurs. leur tentative d'intimidation est un échec et les Indiens ont le dernier mot en parvenant à les faire fuir; l'auteur ridiculise les Espagnols en faisant ainsi parler les Indiens : "quant aux menaces, c'était un signe de manque de jugement" ou un peu plus avant " ils avaient l'habitude de ne prendre conseil que de leurs amis ou connaissances" (l 25). Montaigne révèle au lecteur que les Indiens ne sont absolument pas dupes des paroles mensongères des des marins . Ces dernier doivent se résoudre à partir sous la menace; On leur montre "les têtes de certains hommes exécutés ,autour de leur ville" (31) . Les paroles des Indiens sont claires ; ils exigent le départ immédiat des Espagnols : " qu'ils se dépêchassent et promptement de quitter leur pays." L'auteur emploie ironiquement le mot enfant (32) car il vient de démontrer que les Indien sont doués de clairvoyance et savent parfaitement raisonner ; ils sont loin d'être des enfants qu'on pourrait berner en leur offrant des colifichets en échange de l'or, si précieux pour les Occidentaux. De plus, leurs arguments dissuasifs ont été couronnés de succès dans la mesure où l'auteur précise : " ni en ce lieu, ni ne plusieurs autres où les Espagnols ne trouvèrent pas les marchandises qu'il cherchaient, ils ne firent d'arrêt ni d'entreprise guerrière." Le discours des Indiens a donc été persuasif. Ils ont, sans doute, réussi à fair peur aux Espagnols.
Ce passage a donc comme fonction essentielle de nous montrer un versant de la colonisation, du point de vue des Indiens qui ont perçu la menace que va faire peser l'attrait des richesses sur leur civilisation. Si l'homme blanc a longtemps considéré les sauvages comme des êtres inférieurs, à peine doués de raison, Montaigne ose ici, dès le seizième siècle, affirmer le contraire ; son point de vue est minoritaire car les théories antiques et notamment celles d'Artiste, sont encore largement répandues. Aristote affirme , en effet, pour justifier l'existence et la pratique de l'esclavage dans la Grèce antique que les Dieux ont fait naître certains hommes pour commander et d'autres pour obéir. Ces thèses antagonistes seront illustrées par deux personnages au cours d'une célèbre controverse qui s'est tenue à Valladolid ; Il s'agissait de se demander si les Indiens étaient des créatures semblables aux Espagnols et s'ils avaient une âme. Le tribunal qui a jugé cette dispute a donné raison aux défenseurs des Indiens et a interdit qu'on les massacre mais , en contre partie, le même tribunal, autorisé et conseillé aux colons espagnols d'utiliser de la main d'oeuvre africaine pour remplacer les Indiens dans les plantations; Cet événement marque le début de la traite des noirs en Europe.
texte 5 : MONTESQUIEU, L'esclavage des nègres (L'Esprit de lois, livre XV, chapitre V, 1748)
REPERES HISTORIQUES ET LITTERAIRES
L'esclavage n'est pas, au XVII° siècle une invention récente. Il est issu du droit de la guerre, de la nécessité économique (grands domaines, mines...), de
l'organisation sociale ou des insuffisances techniques. Il ne reconnaît aucun statut juridique à l'esclave. Cf la protestation (mais pas la condamnation du phénomène) de Sénèque dans
une Lettre à Lucilius (47).
Mais la "traite" est un fait nouveau : trafic triangulaire (Europe, Afrique, Amérique), grandes Compagnies et ports florissants (Nantes, Bordeaux).
Position des autorités politiques et religieuses :
Il s'agit d'une institution légalement officialisée par un édit de 1685 et patronné par les ministres. Choiseul déclare :"La traite des noirs mérite plus de protection que toute autre, puisqu'elle est le premier mobile des cultures."
"Louis XIII se fit une peine extrême de la loi qui rendait esclaves les nègres de ses colonies ; mais quand on lui eut bien mis dans l'esprit que c'était la voie la plus sûre pour les convertir, il y consentit." (Montesquieu, De l'esprit de lois, XV, 4)
Au XVII° siècle, Bossuet qui a pourtant pris position avec générosité sur la question de la justice et de la charité admet encore que le Saint-Esprit "ordonne aux esclaves, par la bouche de Saint
Paul de demeurer en leur état et n'oblige pas les maîtres à les affranchir." (Avertissement aux Protestants, article 50)
Remarque : le mot "nègre" n' a pas de valeur péjorative au XVIII° siècle ; c'est le nom qu'on donne en général aux habitants noirs de l'Afrique. "Quand les Portugais
découvrirent la côte occidentale de l'Afrique, ils donnèrent aux peuples noirs qui l'habitent le nom de "negro", qui signifie "noir" ; de là vient notre mot "nègre" ; on dit plutôt les "nègres"
en parlant des habitats de la côte occidentale d'Afrique que les Noirs". (dictionnaire Littré).
Montesquieu lui-même est actionnaire de la Compagnie des Indes. Cependant il est le premier à flétrir avec tant de vigueur un tel scandale : asservissement inique et préjugé racial (même s'il ne
juge pas tout à fait les Nègres comme les égaux des Européens).
Ce texte est l'aboutissement d'une longue maturation. Il a parlé de la couleur des Noirs dans la Lettre persane 59 et du rapport
entre esclavage et religion dans la Lettre 75. Dans De l'esprit des lois, il est
conduit logiquement à étudier les relations entre les lois théoriques et les conditions réelles et infiniment variables dans leur application selon les moeurs, les climat, les traditions. Il
en résulte de généreuses prises de position contre l'intolérance, le fanatisme, l'injustice, etc. C'est dans cet esprit qu'est rédigé ce texte.
Livre XV : "Comment les lois de l'esclavage civil ont du rapport avec la nature du climat."
Montesquieu réfute le justification du servage antique, puis critique le servage politique. Le climat chaud entraîne l'indolence qui, elle, favorise le despotisme, les régimes autoritaires. Or, l'esclavage, au nom de principes humanitaires raisonnables, est un phénomène condamnable qu'aucune théorie ne peut justifier. "La raison porte à l'humanité" (XV, 3). Ainsi la théorie des climats se trouve limitée par la condamnation du moraliste.
Avant Montesquieu, d'autres voix s'étaient élevées :
- Sénèque
- Bartholomè de Las Casas : défenseur des Indiens contre les Conquistadores. 1542, Histoire admirable des horribles insolences, cruautés et tyrannies exercées par les Espagnols ès Indes Occidentales, brièvement décrites en langue castillane.
Après Montesquieu :
- Abraham Lincoln
- Mrs Beecher-Stowe, La Case de l'Oncle Tom, 1851.
- Richard Wright, Black Boy, 1945 ; Les enfants de l'Oncle Tom, 1938.
- Martin Luther King ...
Etapes de l'abolition :
- 1794 : abolition par la Révolution française ; mais le Consulat le rétablit
- 1815 : le Congrès de Vienne le condamne solennellement
- 1833 : l'Angleterre proclame l'abolition
- 1846 : la Suède
- 1848 : le Danemark et la France. Victor SCHOELCHER (1840, Abolition de l'esclavage), sous-secrétaire d'Etat dans le Gouvernement provisoire de 1848, il contribua à faire adopter le décret sur l'abolition de l'esclavage
- 1856 : le Portugal
- 1860 : la Hollande
- 1865 : les Etats-Unis, après la Guerre de Sécession, 1860-65
- 1885 : l'acte de Berlin engage la suppression de l'esclavage en Afrique même
- 1888 : le Brésil
INTRODUCTION
Idée de départ : la Guerre de Sécession
Sujet ;
Annonce du plan
I° PARTIE : Montesquieu dénonce en premier lieu les conceptions xénophobes de ceux qui refusent aux noirs la qualité d'êtres humains.
1° § Il montre d'abord le ridicule des préjugés occidentaux concernant les aspects physiques des "nègres".
1° IA : la couleur de la peau et la forme du nez : "noirs depuis les pieds jusqu'à la tête", comme s'il pouvait en être autrement ! On leur reproche d'être "noirs" par excès ! Puérilité de l'adverbe dans l'expression "nez si écrasé" (argument ad personam)
2° IA : l'âme : dérision et absurdité du rapprochement entre l'aspect extérieur et la spiritualité, la nature profonde de l'homme ; préjugé raciste : la "laideur" extérieure préjuge de celle de leur âme.
3° IA : Il accumule d'ailleurs les périphrases dépréciatives par lesquelles les Européens désignent les noirs dont ils font des outils : "ceux de l'Afrique" (s.e. : "peuples", terme qui implique de l'humanité), "ceux dont il s'agit" , "ces gens-là", "s'en servir", toutes expressions qui les déshumanisent.
2° § Montesquieu souligne en outre la relativité des moeurs.
1° IA : Relativité de la valeur des objets selon les cultures : verre et or ; cf la reprise de l'expression "une si grande conséquence" comme à propos des Égyptiens : l'attitude des Européens
vis-à-vis de l'or est donc aussi peu rationnelle ...
2° IA : Relativité du symbolisme des couleurs : noir et blanc n'ont pas la même signification pour les Blancs et pour les Noirs ... Cf la Lettre persane 59
(1721): "je ne suis pas surpris que les Nègres peignent le diable d'une blancheur éblouissante et leurs dieux noirs comme du charbon".
Le préjugé de la couleur était vivace au XVIII° siècle, la pigmentation des Nègres est une énigme : cela figure en 1741 comme sujet de concours à l'Académie de Bordeaux dont Montesquieu est
membre. Comment s'apitoyer sur des êtres si différents de nous ? Comment peut-on être si ... noir ?
Les récits de voyage avaient d'ailleurs fortement contribué au XVIII° siècle à la notion de relativité.
3° § Mais c'est surtout l'absurdité de l'attitude xénophobe qui est mise en évidence. L'observation de la
progression thématique montre que tout le raisonnement s'autodétruit.
1° IA La progression est d'abord linéaire dans les cinq premiers alinéas. L'auteur
examine le "droit" de "rendre les nègres " (thème) "esclaves" (propos) ; cette mise en esclavage (thème) a permis de "défricher" l'Amérique (propos) ; ces "terres" (thème) produisent du "sucre"
(propos) à un prix rentable puisque produit par des "esclaves" (propos) ; ces "esclaves" (thème) "sont noirs" (propos) ; cette couleur de peau (thème) explique l'attitude des Européens.
2° IA La progression se poursuit à thème constant dans les alinéas 6 à 9 comme pour souligner cette obsession de la "couleur de la peau" ("sont noirs, un corps tout noir, la couleur, les noirs,
la couleur de la peau, les nègres, ces gens-là") : "La couleur de la peau" "constitue l'essence de l'humanité" et "on peut juger de la couleur de la peau par celle des cheveux" ; la "couleur de
la peau" constituerait donc un critère d'humanité aussi important que la "couleur des cheveux" ; or, ce critère de la couleur des cheveux, qui permet de "tuer" les "hommes roux", est inacceptable
pour un esprit européen du XVIII° siècle ; l'apparence extérieure qui est d'une "si grande conséquence" chez les uns n'a pas du tout la même "conséquence " chez les autres ; le critère de la
couleur de la peau pour "juger" de l'humanité d'un individu doit donc être remis en cause : la couleur de la peau n'a pas plus de "conséquence" que la couleur des cheveux pour "juger" si on a
affaire ou non à un "homme" ; et ce n'est pas la couleur de la peau qui "constitue l'essence de l'humanité" quoi qu'en pensent les "peuples d'Asie" !
Remarque : Montesquieu a pris ce détail dans Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, I,88 : Typhon, principe du mal, avait tué son frère
Osiris ; Isis, la femme-sœur d'Osiris avait tué Typhon pour le châtier ; d'où le sacrifice des hommes roux (puis d'un bœuf roux), car Typhon était roux.
pour l'entretien de la séquence 3 :
Procédés par lesquels les auteurs critiquent la colonisation :
- discours direct, chef des otaitien : invectives:
- jeu sur les redéfinitions : du mot barbare
- la réplique, réfutation : txt « : les indiens répondent du tac au tac aux espagnoles
- la citation du discrous ennemi: au disc indirect, pour le rendre ridicule.
= le dialogue est important : i constitue un droit de réponse.
Directe ou indirecte?
Il ne se sert pas d’histoires parallèles ou métaphoriques
Est ce que Bougainville vraiment existé ?
Diderot : expliquer le titre du voyage de Diderot : il invente de façon fictive un récit supplémentaire, de l’explorateur, qui aurait été caché : récit de ce les explorateurs ont voulu taire. Comment ils ont pillé les indiens.
Quel autre explorateur a tenu journal ? Ils ont abusé de la gentillesses indiens, en organisant un échange inégal, un commerce inéquitable. Il assure aux trois que les hommes ne sont pas armés: c’est une reconnaissance en vue d’une guerre : toute exploration est une colonisation en puissance .
Exposition sur les lumières:
Accession à une autonomie de pensée : on ne suit pas le dogme des grandes puissance set on exerce son propre entendement. On peut donc remettre en question les tyrannies royales et religieuses.
Sens de lumière: contre l’obscurantisme de la religion.
Les philosophes des lumières: Diderot, Rousseau, D’alembert, Montesquieu, Voltaire.
Combats des lumières: contre l’intolérance religieuses, cf Calas, contre l’esclavage et le commerce triangulaire, pour la séparation des pouvoirs, pour le développement des connaissances chez le peuple, artisanales et techniques : l’encyclopédie.